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Demain, dimanche 7 septembre 2025, le président Abdou Diouf fête ses 90 ans. L’occasion de saluer un parcours exceptionnel, marqué par le sens de l’État, la loyauté républicaine et une constance rare dans l’exercice du pouvoir.
À la tête du Sénégal de 1981 à 2000, Abdou Diouf a gouverné dans un contexte agité, refusant le populisme pour tenir le cap des institutions, engager le pays dans le pluralisme politique et conduire des réformes économiques difficiles.
Ces dernières se caractérisaient notamment, par une forte dépendance aux programmes d’ajustements structurels qui entre autres, ont entrainé la hausse des prix, le gel des salaires, la précarisation des services sociaux comme la santé, l’éducation, le démantèlement du système ferroviaire, la fermeture des salles de cinéma. Sans compter la dévaluation du franc Cfa en 1994 qui reste associée à une forte souffrance sociale et à une perte de pouvoir d’achat.
Le Sénégal aurait-il pu choisir d’autres voies à l’instar de certains pays d’Asie comme la Corée du Sud ou Singapour qui ont su combiner réformes économiques et protection ciblée, industrialisation rapide, forte mobilisation de l’épargne nationale, investissement massif dans l’éducation ? Aurait-il pu prendre une autre direction ?
Au-delà de ces questionnements, gageons que ce que l’histoire retiendra avant tout du Président Abdou Diouf, c’est son geste du 19 mars 2000 : reconnaître avec élégance la victoire de son adversaire Abdoulaye Wade et offrir au Sénégal sa première alternance démocratique pacifique.
Par ce départ sans drame, sans manœuvre ni arrière-pensée, il a donné au Sénégal une leçon magistrale de démocratie, contribuant par cette première alternance politique pacifique à renforcer durablement sa culture républicaine.
De lui, le Pr Maurice Soudieck Dione dira qu’il aura été « un acteur central de la stabilisation et du raffinement du jeu démocratique sénégalais ». Aussi, a-t-il rappelé quelques axes importants du magistère du président Abdou Diouf, lors de la présentation au Warc de l’ouvrage que lui a consacré l’Association des Juristes Africains. Il en va ainsi du ” Code électoral consensuel de 1992, la mise en place du Haut conseil de la radio-télévision en 1991, qui deviendra ensuite le Conseil national de régulation de l’audiovisuel, et la création de l’Observatoire national des élections (Onel) en 1997 ». Toutes ces différentes dispositions constituent pour le Pr Dione, « des marqueurs forts de son engagement pour une démocratie apaisée ». Et de faire observer que dans une atmosphère de compétition électorale parasitée par les suspicions de fraude, pour dissiper tout soupçon de collusion entre l’administration et le parti au pouvoir, « le Président Diouf avait également pris la décision de nommer un général d’armée au ministère de l’Intérieur ». Il s’agissait là d’une « décision courageuse qui illustre son attachement à la transparence électorale”, a-t-il ajouté.
Au-delà du Sénégal, Abdou Diouf a ensuite porté haut la voix de l’Afrique et du monde francophone durant douze années à la tête de l’Organisation internationale de la Francophonie. Il y a défendu les principes de dialogue, de diversité culturelle et de solidarité entre les peuples, avec sa retenue coutumière et une autorité tranquille.
Tranches de vie
Alors qu’il est désormais loin des ors de l’Etat, nous avions pu mesurer un an après la survenue de l’alternance que cette dernière était vécue comme « une respiration démocratique » par l’ancien président de la République. Nous avions sollicité et obtenu d’aller lui rendre visite dans sa retraite parisienne, pour cette première rencontre avec la presse sénégalaise. C’était le 27 juillet 2001, par une belle après-midi ensoleillée qui sortait la ville- lumière de sa grisaille des derniers jours. Et nous voilà dans le 16e arrondissement de Paris bordée de maisons cossues avec leurs imposantes façades en pierre de taille.
Sur l’interphone d’un de ces immeubles, il était simplement inscrit au feutre bleu : M. et Mme Diouf. Nous sommes reçus par l’huissier qui nous introduit dans un hall d’accueil affichant avec panache son identité sénégalaise. Des poteries posées à même un présentoir sur lequel sont suspendus des colliers d’ambre. Dans une mise impeccable, costume sombre, cravate à petits pois, rasé de près, les joues un peu pleines, l’ancien président de la République du Sénégal nous convie dans son salon. Après les salutations d’usage, il formule avec délicatesse le souhait de ne pas commenter l’actualité politique nationale.
Et voilà qu’on s’engage dans une discussion à bâtons rompus sur son quotidien de « retraité ». L’atmosphère est détendue. La confiance s’installe. Puisant dans sa prodigieuse et fascinante mémoire, Abdou Diouf nous confie avoir « réfléchi à beaucoup de choses » et surtout avoir retenu de son long magistère présidentielle (1980-2000) que « l’homme d’Etat doit cultiver plus que tout autre la vertu d’humilité et de patience ».
Se remémorant son parcours, sans toutefois « regarder dans le rétroviseur », Abdou Diouf confie être « contre tout sentiment de vanité et de gloriole ». Aussi considère-t-il l’œuvre humaine comme « une mission que Dieu nous a confiée au service des hommes ». En somme qu’il est question de « sacerdoce ». Et de souligner que si la réussite relève de la « victoire de Dieu », la « défaite » elle, relève de la « faiblesse humaine ». Comme s’il se livrait à une évaluation à mi-parcours d’une vie, il affirme avoir traversé un certain nombre d’épreuves dans sa carrière.
Gouverneur de la région du Sine Saloum à 26 an, directeur de Cabinet du Président Senghor en 1963 (28 ans), puis Secrétaire général de la présidence de la République en 1964 (29 ans), ministre du Plan et de l’Industrie de 1968 (33 ans) à 1970, Premier ministre de 1970 (35 ans) à 1980, président de la République de 1981 (46 ans) à 2000.
L’occasion de lui faire part d’une intuition qui nous habitait, nous faisant penser que tout au long de ces dernières années qui ont précédé l’élection présidentielle, il a eu pour souci de poser des balises qui puissent renforcer la démocratie sénégalaise, fusse-t-il au prix de sa défaite. Qui ne se souvient de son engagement à appliquer toutes les conclusions de la commission électorale sans en modifier une virgule ?
A ses yeux la décision « de respecter quoi qu’il arrive le verdict du peuple était prise de façon irrévocable depuis longtemps, sans l’ombre d’une hésitation quelconque ». Il s’était ainsi fait à l’idée de féliciter le vainqueur Abdoulaye Wade à la lecture des tendances lourdes qui se dessinaient au soir de l’élection présidentielle. Laissant par conséquent entendre que « toutes autres supputations n’engagent que leurs auteurs ».
Féru de lecture de livres d’histoire, de science politique et de spiritualité, le Président Abdou Diouf conçoit désormais la vie comme des « séquences » où des sujets « assument la tranche de vie qui leur est dévolue ». Il lit « régulièrement et très sérieusement le Coran et la Bible », car cela le « consolide dans sa foi en Dieu, en l’homme ». Refusant de se consumer dans une nostalgie obsédante, il affirme vouloir se réapproprier sa part d’humanité.
A l’heure actuelle, nous avait-il indiqué : « je m’occupe de ma femme, de mes enfants, de mes amis, de mes petits-enfants »
Attention et Bienveillance
Autour du Président Abdou Diouf, sa compagne de toujours, Mme Elisabeth Diouf, et leurs enfants et petits-enfants, qui ont partagé avec discrétion et élégance les joies et les exigences de la vie publique, seront tous réunis demain, dimanche 7 septembre, pour souffler ses 90 bougies et lui souhaiter de vivre des années et des années encore.
Pour lui formuler à mon tour des vœux de bon et heureux anniversaire, me reviennent quelques souvenirs. Alors qu’il occupait le poste de Secrétaire général de l’Oif, je me faisais un devoir de lui rendre visite chaque fois que j’étais de passage à Paris ou de l’appeler au téléphone pour lui dire bonjour. Il me rappelait à chaque fois, toujours attentionné et bienveillant. Aujourd’hui nous avons quelques fois des rencontres empreintes d’amitié et de cordialité. Et me voilà interpellé par une remarque qu’il m’a faite au détour d’une conversation, du genre : Et « pourtant je n’ai rien fait pour toi » !
Cela m’a ramené à Djibo Leyti Kâ qui, à notre question posée lors d’une première interview, relativement à ce qui avait changé après son éviction du gouvernement, me répondit : « Le téléphone ne sonne plus ». Etait-ce ce moment où l’on se rend compte sans amertume aucune du « vide » qui met à nu le brouhaha né du calcul, des intérêts égoïstes qui parasitent les relations humaines ? Mystère et boule de gomme !
Il nous revient d’autres choses touchantes. C’était à Dakar. Mon téléphone qui sonne. L’aide camp du président qui s’identifie avant de me passer la communication. Au bout du fil, le Président qui prenait juste de mes nouvelles. Les bras m’en tombent. Comme une leçon de vie.
À 90 ans, Abdou Diouf reste un repère. Une figure tutélaire dans un temps où le tumulte semble l’emporter sur la sagesse. Par son sens du devoir et son respect des institutions, il a marqué l’histoire nationale et offert au pays une démocratie solide. Son exemple rappelle que l’exercice du pouvoir peut rimer avec mesure, et que la grandeur d’un homme d’État tient autant à ses décisions qu’à sa capacité à se retirer dans l’honneur.
Bon anniversaire, Monsieur le Président !
L’article Hommage à Abdou Diouf : Bon anniversaire, Monsieur le Président ! Par Vieux Savané est apparu en premier sur Sud Quotidien.