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Alors que le ministre de l’Industrie et du Commerce, Sérigne Guèye Diop, annonce une deuxième baisse des prix des denrées alimentaires vers fin 2025, les Sénégalais peinent toujours à ressentir les effets concrets de ces mesures dans leur quotidien. Une analyse approfondie révèle un fossé persistant entre les intentions politiques et leur traduction sur le terrain. S’y ajoute le défi de production suffisante de certains produits comme le riz, le sucre, l’huile, la pomme de terre, l’oignon entre autres.
Après une première baisse intervenue en 2024, cette nouvelle mesure suscite autant d’espoirs que de scepticisme. Le problème fondamental réside dans la transmission défaillante de ces réductions tout au long de la chaîne de distribution. Entre les prix de gros officiellement baissés et le consommateur final, les intermédiaires, grossistes et détaillants absorbent souvent la différence, privant ainsi les ménages du bénéfice attendu. L’absence de contrôle effectif aggrave la situation. Sans surveillance rigoureuse, les commerçants ne sont guère incités à répercuter les baisses. Pire encore, certains acteurs du marché spéculent en constituant des stocks aux anciens prix pour continuer à vendre plus cher, anéantissant ainsi les efforts du gouvernement. Les chiffres sont éloquents : les dépenses alimentaires représentent souvent plus de 50% du budget des ménages modestes sénégalais. Malgré près de deux années de mesures gouvernementales, cette pression budgétaire demeure constante. Le riz, l’huile, le sucre, la farine et autres denrées essentielles restent difficilement accessibles pour une large partie de la population, créant une insécurité alimentaire persistante. Cette situation génère un profond sentiment de frustration chez les citoyens, qui voient dans ces annonces répétées des promesses non tenues. Pour les populations les plus vulnérables, les conséquences sont dramatiques puisqu’elles entrainent la réduction de la diversité alimentaire, le recours au crédit informel pour s’alimenter, et la diminution du nombre de repas quotidiens.
Un système de régulation défaillant
L’analyse met en évidence trois défaillances majeures du système actuel. D’abord, le manque criant de mécanismes de contrôle bien que 1000 volontaires aient été recrutés ; les services de répression des fraudes apparaissent débordés ou insuffisamment équipés pour surveiller efficacement le marché. Ensuite, l’absence de référentiels de prix accessibles laisse les consommateurs dans l’ignorance des tarifs officiels, les rendant vulnérables aux abus. Enfin, l’impunité des contrevenants, avec peu de sanctions dissuasives, encourage les pratiques frauduleuses.
Les boutiques témoins, une solution encore hypothétique
Le gouvernement mise sur les “Sonadis” ou boutiques témoins pour remédier à cette situation. En théorie, ces structures pourraient transformer le paysage commercial en créant une concurrence loyale, en rendant les prix officiels visibles et en garantissant l’accessibilité des denrées aux tarifs réglementés. Toutefois, leur succès dépend de conditions strictes à savoir une implantation nombreuse et bien répartie sur le territoire, un approvisionnement régulier, une transparence totale sur les prix et une protection efficace contre la corruption. Sans ces garanties, les Sonadis risquent de rejoindre la longue liste des initiatives gouvernementales avortées. Au-delà de l’aspect purement économique, cette situation érode dangereusement la crédibilité du gouvernement. Après deux ans au pouvoir, l’écart persistant entre discours et réalité nourrit le scepticisme vis-à-vis des annonces officielles et la remise en question de la capacité de l’État à réguler l’économie. Les tensions sociales qui en découlent constituent une menace pour la stabilité du pays.
Les solutions préconisées
Pour inverser cette tendance, plusieurs mesures urgentes s’imposent. Le déploiement rapide des Sonadis avec des objectifs chiffrés et un calendrier précis doit être une priorité absolue. Le renforcement drastique des contrôles, avec des inspections surprises régulières et des sanctions exemplaires, constitue également un impératif. La communication transparente est cruciale : les listes de prix officiels doivent être largement diffusées dans les médias et sur supports accessibles. La mise en place d’une plateforme de signalement permettrait aux citoyens de dénoncer les abus. Enfin, des subventions ciblées vers les plus vulnérables pourraient compléter efficacement les baisses de prix.
Au-delà des mesures d’urgence, une transformation structurelle s’impose. La réforme des circuits de distribution, l’encouragement de la production locale pour réduire la dépendance aux importations, le développement d’une agriculture vivrière compétitive et la création de coopératives de consommateurs constituent des pistes prometteuses pour un impact durable.
De l’annonce à l’action
Cette deuxième baisse des prix constitue un test de crédibilité majeur pour le gouvernement. Les baisses resteront théoriques tant qu’elles ne seront pas accompagnées d’un dispositif de contrôle et d’application rigoureux. Sans un passage décisif de l’annonce à l’action concrète, notamment par l’opérationnalisation rapide des boutiques témoins et un renforcement drastique des contrôles, le fossé entre l’État et les citoyens risque de se creuser davantage, avec des conséquences sociales et politiques potentiellement graves pour l’avenir du Sénégal.
JEAN PIERRE MALOU
L’article Baisse des denrées alimentaires au Sénégal : entre promesses gouvernementales et réalité des ménages est apparu en premier sur Sud Quotidien.
