" "
Posted by - support -
on - Aug 22 -
Filed in - Society -
-
18 Views - 0 Comments - 0 Likes - 0 Reviews
Dans « Futikh », Pape Chérif Bertrand Bassène livre une plongée saisissante dans quarante ans d’histoire politique et sociale du Sénégal, entre mémoire et critique. L’ouvrage établit un parallèle audacieux entre deux séquences marquantes : la manifestation du 26 décembre 1982 à Ziguinchor, point de départ de la rébellion casamançaise, et les affrontements meurtriers de juin 2023 à Ngor. Deux événements distants dans le temps, mais reliés par un même fil rouge : la violence d’État.
Bassène met en lumière ce continuum répressif, fait d’arrestations arbitraires, de tortures, d’exécutions sommaires. Des scènes glaçantes traversent son récit : des jeunes fauchés en plein bal à Djibanar, des enfants et adolescents abattus par des combattants du Mfdc irrités de les voir prendre du plaisir au moment où eux risquent leurs vies ; des manifestants écrasés sous les grenades lacrymogènes et l’usage disproportionné de la force publique à Dakar. Le tout renvoyant à une constante, à savoir l’incapacité à privilégier le dialogue face à la contestation.
L’auteur s’interroge sur cette figure du « mauvais citoyen », vite érigé en « incivil », relégué à l’état de « sauvage » avant de basculer dans la rébellion. En Casamance comme à Ngor, il montre comment la répression démesurée a contribué à radicaliser les résistances et à installer une fracture durable entre l’État et une partie de sa population.
L’ouvrage ne se limite pas à l’analyse des violences. Il explore aussi les dilemmes identitaires en Casamance : se focaliser sur une appartenance qui unifie en faisant fi des particularités au risque de travestir la richesse que constitue la différence, gage de diversité et de stabilité en permettant une expression plurielle. En d’autres termes : comment concilier revendications d’autonomie et richesse de la diversité culturelle ? Comment réconcilier des camps qui, en dépit de leurs adversités se réfèrent à des valeurs traditionnelles qui les transcendent ? Ainsi se retrouve-t-on entre combattants des deux camps d’origine casamançaise, divisés sur l’avenir politique de la Casamance et en communion lors de cérémonies initiatiques communes, se réconciliant de fait avec leur humanité perdue, loin des « machines de guerre » qu’ils sont devenus.
Qu’ils soient dans l’armée nationale ou combattants du Mfdc, ils ne renient pas leurs valeurs traditionnelles, assumant leur « casamancité culturelle ». La culture se positionnant de facto comme élément unificateur.
Des questions importantes surgissent ainsi, à savoir que la guerre, la situation insurrectionnelle, la violence aveugle ne sont jamais sans conséquence car susceptibles de déshumaniser, de polariser et de sédimenter de antagonismes.
La seconde partie de l’ouvrage ouvre un débat tout aussi crucial. Il questionne la vitalité de l’État-nation et la fragilité d’une démocratie qui peine à encadrer les libertés publiques sans recourir à la force. Et surtout, il fustige l’« État amnistieur » qui, en effaçant d’un trait les violations des droits humains, sacrifie la justice sur l’autel de la paix apparente.
À travers Futikh, Bassène met à nu les contradictions d’un modèle démocratique fragilisé de l’intérieur par ses pratiques répressives. Loin du simple essai académique, le livre se veut un réquisitoire, une interpellation et un exercice de mémoire collective.
Il éclaire les zones d’ombre d’une histoire récente, interroge le présent et ouvre une réflexion urgente sur l’avenir du vivre-ensemble au Sénégal.
Pape Chérif Bertrand Bassene, Akandijack
Futikh
La guerre incivile sénégalaise Stasiologie : « des évènements de Casamance aux évènements de Ngor (1981-2023)
Suivi de …Exercice de démocratie
Kmanjen Productions. Mai 2025. 286 pages
Par Vieux SAVANE
L’article Note de lecture : Futikh La guerre incivile sénégalaise Stasiologie : « des évènements de Casamance aux évènements de Ngor (1981-2023) est apparu en premier sur Sud Quotidien.