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on - Jun 13 -
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Depuis sa première édition en 1969, le Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (Fespaco) s’impose comme un rendez-vous biennal incontournable. Excepté quelques interruptions, notamment en 2015 à cause de l’épidémie d’Ebola en Guinée et des menaces sécuritaires au Mali, ou encore en 2021 avec la pandémie de Covid-19, il n’a cessé de se tenir, fidèle à son ambition première de donner une visibilité au cinéma africain.
C’est cette aventure humaine, artistique et militante que retrace « Par-delà les écrans », à travers un récit passionné et documenté qui fait office de carnet de bord et de déclaration d’amour à un festival unique en son genre.
L’auteur, Aboubacar Demba Cissokho, journaliste à l’Agence de presse sénégalaise (Aps), y partage une expérience intime et professionnelle qui démarre en 2003, lorsqu’il est envoyé couvrir la 18ème édition du festival. Il en reviendra transformé, happé par cette effervescence culturelle et cette communion uniques autour du 7e art africain.
Il y rencontre des figures emblématiques du cinéma continental ; Ousmane Sembène « l’aîné des anciens », Mahama Traoré, Souleymane Cissé, Idrissa Ouédraogo et tant d’autres. Mais aussi des jeunes pousses, de nouvelles écritures visuelles, des regards audacieux.
L’ouvrage aborde avec finesse les coulisses du festival, les frustrations des réalisateurs, les critiques parfois acerbes sur les choix des jurys ou les jeux d’influence supposés autour de l’Étalon de Yennenga. Il interroge aussi les liens complexes entre cinéma et politique, les différences entre documentaires et films de fiction, les positionnements idéologiques, la place des femmes, les combats menés à l’écran contre l’excision, les fondamentalismes religieux, la guerre ou les violences domestiques.
« Par-delà les écrans » rend compte de la spécificité du Fespaco par rapport à d’autres festivals comme les Journées cinématographiques de Carthage ou le Festival de Marrakech. Il s’attarde sur la richesse de ses activités parallèles, -projections, débats, ateliers, concerts-, et sur cette conscience partagée que la création cinématographique africaine doit être accompagnée par une production intellectuelle tout aussi vivante.
L’ouvrage évoque aussi certains grands moments comme en 2013, quarante-quatre ans après la création du Fespaco (1969) et quarante-un ans après l’institution d’une compétition (1972), où selon le bon mot du critique de cinéma Clément Tapsoba, « il a fallu qu’Aujourd’hui (Tey en wolof) d’Alain Gomis arrive pour qu’un réalisateur sénégalais remporte l’Etalon ». Après la consécration de « Tey », un fabuleux conte sur la vie, rebelote au Fespaco suivant avec « Félicité ». Un exploit que Alain Gomis partage avec son illustre devancier, le réalisateur malien Souleymane Cissé.
Convoquant feu Samba Félix Ndiaye, le maître du film documentaire, qui expliquait que : « quand on veut faire du cinéma, il faut d’abord connaître l’histoire du cinéma », l’auteur prolonge cette pensée en affirmant que, « pour aimer le Fespaco, il faut connaître son histoire ». Ce à quoi s’emploie « Par-delà les écrans ».
Par ce livre, il s’agit pour Aboubacar Demba Cissokho, de matérialiser un accompagnement militant, pour dire et faire rayonner « un festival qui est, sans aucun doute, le seul lieu où se dessinent et se discutent les enjeux essentiels que constituent la diffusion des films et le contact avec le public pour lequel ils sont faits ».
Aussi, l’auteur fait-il plonger le lecteur dans l’ambiance festivalière et chaleureuse de Ouagadougou, une ville qui bruisse de rencontres, d’échanges, de musiques et d’odeurs alléchantes provenant de poulets braisés, sauces locales, pintades grillées. Des lieux emblématiques comme « Eau vive », « La Forêt », « Le Coq bleu » ou « Le Verdoyant » sont convoqués comme autant de repères dans cette cartographie sensorielle.
Aboubacar Demba Cissokho donne ainsi à voir et à comprendre l’importance du Fespaco qui se dessine non seulement en espace de débats, mais aussi comme un creuset de réflexions, une tribune pour les voix africaines. Le temps d’une rencontre, il transforme Ouagadougou en « Ouaga-doux-goût ». En somme une capitale en état de fièvre douce, où bat le cœur vibrant du cinéma africain.
Baobab Éditions. 236 pages. Mai 2025.
L’article Note de lecture : Aboubacar Demba CISSOKHO FESPACO Par-delà les écrans Par Vieux SAVANE est apparu en premier sur Sud Quotidien.