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La composition du nouveau gouvernement sénégalais, dévoilée dans la soirée du 6 septembre 2025, met en lumière une question récurrente dans la vie politique nationale. Celle de la place des femmes dans l’appareil exécutif. Certes, elles y figurent, mais de manière lilliputienne. Sur une trentaine de ministres et secrétaires d’État, on ne compte que 5 femmes. Soit environ 16 % de l’exécutif) , ce qui constitue un contraste frappant avec les discours officiels vantant l’égalité et la parité comme piliers de la « nouvelle gouvernance ».
Après Mame Madior Boye (avril 2000- mai 2001), Aminata Touré (avril 2012 -septembre 2013), Aïssata Tall Sall (octobre 2023-avril 2024), le nouveau dispositif fait figurer Yacine Fall à la tête du ministère de la Justice, dépositaire d’un pouvoir régalien, dans un contexte où les attentes vis-à-vis d’une justice indépendante et équitable sont immenses. De même, Maïmouna Dièye, en charge de la Femme, de la Famille et de la Protection des enfants, occupe une fonction qui touche au cœur des préoccupations sociales. À leurs côtés, on compte également des femmes à la Pêche, à la Jeunesse, ou encore dans des secrétariats d’État, souvent liés à des thématiques de proximité sociale ou communautaire.
Une question demeure. Pourquoi un si faible nombre de femmes dans un gouvernement qui revendique la rupture et l’inclusion ? L’écart est d’autant plus visible que le Sénégal s’est souvent présenté comme un modèle en matière de parité, avec une législation électorale pionnière adoptée dès 2010, et un taux élevé de représentation féminine au Parlement, dans le Conseils municipaux ou départementaux. La traduction de cette dynamique dans l’exécutif reste timide, comme si la gestion des affaires d’État relevait encore d’un espace essentiellement masculin.
Cette situation révèle un paradoxe profond. Si d’un côté, la présence de femmes à des postes de premier plan illustre une reconnaissance symbolique et une volonté de montrer l’ouverture d’esprit du nouveau pouvoir, de l’autre, leur nombre limité et la nature de certains portefeuilles confiés confirment les résistances persistantes à une réelle égalité. L’on confie rarement aux femmes les ministères des Finances, de l’Intérieur, de l’Industrie ou des Infrastructures, ces champs encore jalousement gardés par des figures masculines. Ainsi, la justice fait-elle figure d’exception, et de ce point de vue demeure isolée dans un paysage politique qui n’a pas encore franchi le pas de la normalisation de l’autorité féminine dans tous les secteurs de décision.
Le paradoxe est renforcé par le contexte sociopolitique actuel. La jeunesse, particulièrement sensible aux enjeux de représentativité, réclame une cohérence entre les promesses d’égalité et leur concrétisation institutionnelle. Les associations de femmes féministes et la société civile ne cessent ainsi de rappeler que la parité n’est pas un slogan, mais un principe qui doit se refléter, à compétence égale, dans la composition des organes de gouvernance. En maintenant une sous-représentation féminine, l’exécutif expose un angle mort qui pourrait fragiliser son discours de légitimité.
Il ne s’agit pas seulement de compter les femmes, mais de leur donner les moyens d’agir. Un ministère confié à une femme n’a de sens que si cette dernière dispose d’un réel pouvoir de décision, de moyens conséquents et d’un soutien politique clair. Faute de quoi, l’inclusion féminine se réduit à une stratégie d’affichage, qui finit par desservir la cause qu’elle prétend servir.
À travers ce gouvernement, le Sénégal se retrouve face à un dilemme. Il célèbre des avancées symboliques en matière de représentation féminine, mais reste encore prisonnier de logiques anciennes où les postes de pouvoir central demeurent un bastion masculin. Dans une démocratie où la quête d’égalité, de performance, est devenue une exigence citoyenne, ce décalage pourrait bien être perçu comme un aveu de conservatisme.
En définitive, le nouvel exécutif incarne encore une fois, un environnement dans lequel les femmes qui en font partie ont, par leur présence, la possibilité de redéfinir certains contours de la gouvernance. Mais leur faible nombre rappelle que l’égalité véritable demeure un horizon lointain, souvent brandi dans les discours mais rarement appliqué dans les faits. Dans un pays qui encourage la promotion des femmes, et se veut pionnier de la parité, le gouvernement peine encore à refléter la moitié de sa population. Et c’est là tout le paradoxe !
HENRIETTE NIANG KANDE
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