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Quand 54 soldats béninois ont été tués à la frontière du Niger et du Burkina Faso, le 17 avril 2025, Cotonou a réagi via son porte-parole Wilfried Léandre Houngbédji. Sans les nommer, le Bénin a pointé du doigt la responsabilité des juntes de Ouagadougou et de Niamey dans le drame le plus meurtrier jamais enregistré dans le pays, du fait de l’extension incontrôlée des groupes djihadistes venus des pays sahéliens voisins.
En effet, les trois pays de l’AES sont minés par l’insécurité et incapables de contenir la menace islamiste notamment du JNIM dont l’arsenal inquiète toutes les capitales de la zone. À travers leurs modes d’actions discutables et leurs choix de partenaires comme Wagner au détriment d’une coalition régionale les régimes de l’AES portent une lourde responsabilité dans cette tragédie.
Wagner justement quitte le Mali pendant que le pays subit quasi quotidiennement des attaques des groupes armées. Pour rappel, l’appel aux miliciens russes était justifié par la junte à Bamako par une volonté de se séparer du partenaire français jugé « impérialiste voire complice avec les irrédentistes Touaregs ». Le bilan des années d’exercice conjoint entre les FAMA et Wagner est famélique. La violence a métastasé dans le pays et le régime se cantonne à Bamako et réagit par une fermeture stricte de toute forme de respiration démocratique. Assimi Goïta vient de s’offrir un mandat gratuit de 5 ans après avoir dissous les partis politiques. En fin de compte, l’efficacité de ce groupe paramilitaire a été fortement décriée, au regard des assauts du JNIM et de la CMA contre l’armée et les populations civiles. Le politologue Yoro Dia le dit depuis des années : le Mali ne sera sauvé par aucune armée de mercenaires mais par sa propre armée commandée par un pouvoir civil élu démocratiquement.
Le même trouble sécuritaire régit le Burkina et le Niger, pays membres de l’AES avec le Mali. Là où les juntes promettaient un retour rapide à la stabilité et la paix, le chaos avance et compromet des années d’effort en matière de développement économique et de transition démocratique.
Dépassées, les juntes de l’AES cèdent du terrain aux terroristes
Incapables de contenir l’avancée des groupes terroristes, les forces sahéliennes et leurs soutiens russes peinent à enrayer l’engrenage de la violence. En 2024, selon un rapport de l’indice mondial du terrorisme, 40% des attaques djihadistes dans le monde ont frappé les trois pays de l’AES. Fort de leurs succès répétitifs, ces groupes se renforcent avec l’arsenal des armées en déroute et multiplient les assauts contre les populations civiles.
Cette dynamique infernale déborde désormais et met en danger par exemple des pays comme le Bénin, qui a vu le nombre de morts sur son sol doubler en un an, avec 173 victimes. Le Togo est également frappé, tandis que les zones frontalières du Ghana, de la Côte d’Ivoire, de la Guinée, du Sénégal et de la Mauritanie subissent une pression croissante. Le récent rapport de Timbuktu Institue renseigne sur le danger à la frontière Est du Sénégal, vers Kidira et Bakel notamment.
Face à cette menace complexe et en hausse, la réponse ne saurait être individuelle mais collective. Or les juntes de l’AES s’isolent, versent dans la surenchère verbale et persistent à s’entourer de partenaires contreproductifs et de prédateurs comme Wagner et l’Africa Corps, abandonnant ainsi la lutte réelle contre l’expansion terroriste. La meilleure réponse au défi du terrorisme dans la région ne saurait être l’apport à un groupe de mercenaires rémunérés sur les ressources du pays mais l’usage de mécanismes au sein de la CEDEAO.
AES-Wagner : une alliance contre-productive qui fait prospérer le terrorisme
Au Sahel, chaque putsch militaire a fait reculer un peu plus la coopération régionale, ouvrant un boulevard aux groupes extrémistes. La chute de mécanismes essentiels comme le G5 Sahel et le départ précipité de la MINUSMA, orchestrés par les juntes de l’AES, ont contribué à affaiblir la lutte collective contre la menace djihadiste. La scission au sein de la CEDEAO et le repli diplomatique accélèrent l’isolement et la fragilité économique et politique. Le choix de Wagner au détriment d’un partenariat à l’échelle régionale de la part des juntes se fait sur le dos de la sécurité collective. Résultat : le terrorisme prospère, les frontières s’effondrent, et le chaos s’étend.
Privées de soutiens occidentaux, les juntes se sont tournées vers un nouveau partenaire : la Russie, ses mercenaires de Wagner et l’Africa Corps. Il s’agit d’un choix problématique au regard du peu d’égard pour les mercenaires vis-à-vis de considérations éthiques et de respect des droits humains. Aussi, le départ de Wagner ne veut-il pas dire que l’État malien sous tension permanente de trésorerie n’arrive plus à rétribuer ses miliciens ?
Bilan de Wagner : entre bavures et exactions
En reproduisant la brutalité de ceux qu’ils prétendent combattre, les soldats des juntes de l’AES et leurs mercenaires russes sapent toute chance de stabilisation au Sahel. Les massacres de civils, en particulier de membres de la communauté peule, nourrissent directement le recrutement des groupes djihadistes comme le JNIM, offrant aux terroristes de nouveaux partisans, souvent animés par la vengeance après avoir vu leurs proches assassinés. Sans distinction, enfants, femmes, vieillards tombent sous les coups, rendant le terrain encore plus fertile pour le recrutement des groupes terroristes.
Traditionnellement les mouvements extrémistes exploitent les tensions intercommunautaires pour diviser les sociétés et disposer ainsi de terreaux de recrutement de combattants. Pourtant, au lieu de rétablir la confiance, les miliciens de Wagner ont multiplié les exactions. En mars dernier, des images glaçantes de massacres de civils peuls dans l’ouest du Burkina Faso ont circulé, révélant une vague de violences systématiques. Plus récemment encore, au Mali, des dizaines de corps ont été découverts près du camp militaire de Kwala, dans la nuit du 21 au 22 avril 2025, après des arrestations menées par l’armée malienne et ses alliés russes.
Les jihadistes capitalisent sur ces crimes pour gonfler leurs rangs. Le massacre de Solenzo au Burkina Faso (10 et 11 mars 2025), en est le sinistre symbole : une spirale meurtrière où chaque bavure nourrit un peu plus le terrorisme et la menace pour les pays de la région comme le Bénin.
Babacar P. Mbaye
L’article Départ de Wagner : quel bilan pour la paix dans la sous-région est apparu en premier sur Sud Quotidien.