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Après les réélections successives de trois octo ou nonagénaires à la tête de trois pays africains on peut se poser la question de savoir si on n’assiste pas à une irrépressible « sénilisation » du pouvoir politique en Afrique ou si ce n’est que le chant du cygne d’une génération d’hommes qui confondent gloire et durée du pouvoir et oublient que l’un des plus illustres d’entre eux, Patrice Lumumba, ne l’a exercé que pendant deux mois et 21 jours.
Paul Biya, qui s’apprête à prêter serment pour un 8ème mandat, a été réélu au premier tour, après des élections dont les résultats ont été contestés, comme d’habitude, précédés et suivis de violences qui ont fait des morts. Il a 92 ans et sera quasi centenaire à la fin de son mandat, s’il le termine, (mais dans quel état ?), ce qui lui vaudra de figurer dans le Guinness Book. On a les honneurs qu’on mérite. Il dirige le Cameroun depuis 43 ans, mais ayant auparavant exercé les fonctions de Premier ministre pendant sept ans, on peut dire qu’il est au cœur du pouvoir depuis 50 ans. Son pays est le seul parmi ceux qui sont issus de l’ancien empire colonial français d’Afrique à n’avoir eu à sa tête, depuis son indépendance, que deux chefs d’état et près de 85% des Camerounais n’ont pas connu d’autre président que lui. Comment s’étonner dès lors, que le besoin de changement soit devenu la principale motivation de leur participation aux élections.
Biya n’est cependant pas le chef d’état africain qui est resté le plus longtemps au pouvoir sans interruption puisque Téodoro Obiang Nguema Mbasogo, a accédé à la présidence équato-guinéenne trois ans avant lui, en renversant son oncle auquel il reprochait de violer « systématiquement » les droits de l’homme. Il est toujours au pouvoir, a renié ses engagements et gouverne son pays d’une main de fer. A 83 ans il n’est pas prêt à céder sa place … Sauf, peut-être, à son propre fils.
Dans le classement des dinosaures africains Obiang Nguema est suivi par Denis Sassou Nguesso (81 ans) arrivé au pouvoir la même année que lui, mais contraint à prendre quelques années sabbatiques, entre 1992 et 1997, avant de revenir reprendre sa place, probablement jusqu’à ce que mort s’en suive.
D’autres vieillards s’inscrivent dans le sillage de ce trio et si, quelquefois, ils semblent manquer d’entrain, aucun d’eux ne manque d’imagination pour conserver le pouvoir.
Yoweri Museveni qui est à la tête de l’Ouganda depuis 1986, a commencé, et c’est devenu un classique, par briser ce plafond de verre que constitue la limitation d’âge aux élections présidentielles. Six mandats, sept premiers ministres et six vice-présidents après son arrivée au pouvoir et à 81 ans, il a annoncé qu’il sera candidat aux prochaines élections. Il les gagnera, faute de vrais concurrents, et rien ne l’empêchera de rester au pouvoir pendant des années encore…sauf, peut-être, son impétueux fils qui piaffe d’impatience…
On avait reproché à Alassane Ouattara, 81 ans aussi, de postuler à un 3e mandat présidentiel que certains jugeaient déjà contraire à la Constitution. Il a répondu par la provocation en se présentant à un 4ème mandat. Il a été réélu triomphalement, grâce à un artifice, devenu lui aussi un classique, l’élimination de la liste des candidats de toutes les personnalités susceptibles de lui faire de l’ombre.
Ismail Omar Guelleh, 77 ans, a décidé de suivre l’exemple de Museveni et de rayer de la Constitution de Djibouti, la limitation de l’âge de la candidature à la présidence. Cela lui ouvre les portes d’un 7ème mandat à la tête de l’Etat.
Apres l’expérience malheureuse vécue sous le long règne de Mugabe, la Constitution du Zimbabwe avait inscrit sur le marbre, la limitation à deux du nombre des mandats auxquels peut prétendre un président. Son successeur, Emmerson Mnangagwa (83 ans) n’a pas osé remettre en cause cette disposition mais il a trouvé une parade. Il a fait rallonger son deuxième mandat de deux ans ! C’est toujours ça de gagné…en attendant de réfléchir et de trouver une solution plus radicale !
Quant au président du Malawi, Peter Mutharika , ce n’est pas de l’imagination dont il a fait preuve mais de persévérance. Il avait été élu en 2014 mais n’avait pas été réélu à la fin de son mandat. Alors, il est revenu à la charge, en 2025, en se présentant contre son successeur. Il a gagné et après tout il n’a que … 85 ans !
Voilà sans doute pourquoi deux jeunots, qui ont en commun d’être arrivés au pouvoir par des « coups d’état institutionnels » à la suite de la disparition brutale de leurs pères respectifs, ont appris la leçon et décidé de prendre les devants. Mais si l’un, Mahamat Deby (41 ans), s’est contenté de recourir à la vieille méthode de suppression de la limitation des mandats, l’autre, Faure Gnassingbé (59 ans), plus expérimenté puisqu’il est au pouvoir depuis 20 ans, a innové en faisant basculer son pays dans un régime parlementaire… dont il s’est proclamé l’inamovible Premier ministre !
La gérontocratie n’est certes pas une innovation en Afrique mais celle qui s’opère sous nos yeux est un paradoxe dans un continent qui est le plus jeune du monde et où 50 à 60 % de la population ont moins de vingt ans. Elle véhicule de mauvais signes parce que les vieillards qui se cramponnent au pouvoir comme les enfants à leurs jouets, oublient qu’on n’a jamais que l’âge de ses artères et que, quels que soient les artifices auxquels ils ont recours, il arrive toujours un moment où, même s’ils demeurent symboliquement puissants, ils sont néanmoins des dirigeants sous informés sur les aspirations de leurs concitoyens, ce qui est impardonnable. Parce qu’ils sont souvent « absents », et pas que physiquement, et que comme Biya aujourd’hui, ils sont obligés de déléguer, de se décharger sur d’autres, de partager le pouvoir avec des gens qui n’y ont pas droit, avec cette conséquence que souvent les courtisans sont pires que les rois.
C’est un mauvais signe parce que c’est l’aveu qu’ils ont des doutes et qu’ils craignent que ce qu’ils ont construit ne soit trop fragile ou insignifiant pour résister au temps et au jugement des hommes. L’excuse qu’ils donnent souvent en prétendant qu’ils veulent juste parachever leur œuvre, cache la réalité qui est qu’ils n’ont pas fait leur travail, qu’ils n’ont pas rempli une de leurs missions qui était de préparer la relève.
C’est enfin un mauvais signe, parce que gouverner c’est préparer l’avenir, qu’ils devraient laisser cette tâche à d’autres mieux placés pour le faire , parce que l’avenir qu’ils préparent est un avenir où ils ne seront pas présents.
L’article Chefs d’Etats africains : les papys font de la résistance ! Par Fadel Dia est apparu en premier sur Sud Quotidien.
