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Posted by - support -
on - Jun 14 -
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A peine arrivé au Sénégal, il y a deux ans, j’ai entendu une phrase qui m’a frappé : «La personne qui sera capable de résoudre le problème du chômage des jeunes en milieu rural au Sénégal sera le prochain Président du Sénégal.» On mesure toute l’exagération caricaturale d’une telle assertion. Mais toute caricature s’appuie toujours sur une part de réalité.
En fait, avec trois quarts de la population âgés de moins de 35 ans, le Sénégal est l’un des pays les plus jeunes d’Afrique. Mais ce chiffre est à la fois une ressource et un défi pour le pays.
Une ressource car, avec près de 60% de la population ayant entre 15 et 35 ans, le Sénégal dispose d’un énorme potentiel démographique : une population jeune et active qui peut contribuer à faire décoller l’économie du pays. Un défi car la situation économique du pays ne permet pas d’exploiter ce potentiel.
Cette situation est particulièrement aiguë dans les zones rurales, qui sont les plus pauvres et les plus en retard du pays, et où réside encore la moitié de la population. Là, environ une personne de moins de 24 ans sur deux est au chômage. Sans emplois, les jeunes ruraux migrent vers les villes, notamment Dakar. Mais même Dakar, malgré la croissance importante de ces deux dernières décennies, n’est pas en mesure d’absorber toute cette main-d’œuvre qui arrive des campagnes chaque année.
Beaucoup de ces jeunes n’ont d’autre choix que de se contenter d’emplois occasionnels, rarement payés au Salaire minimum interprofessionnel garanti (Smig), qui est inférieur à 64 000 francs par mois. Certains d’entre eux décident même d’émigrer hors du pays, cherchant fortune ailleurs, privant ainsi le Sénégal de sa plus grande ressource : ses jeunes.
Il n’est donc pas surprenant que la création d’emplois, en particulier pour les jeunes des zones rurales, soit une des priorités du nouvel agenda de développement du pays, Sénégal 2050.
Or, sous les yeux de tous, le Sénégal dispose déjà d’un modèle de solution.
Il s’agit du Projet d’appui à l’insertion des jeunes ruraux agripreneurs (Agri-Jeunes Tekki ndawñi), un programme gouvernemental financé par le Fonds international de développement agricole, Fida. Ce programme, mis en œuvre par le ministère de l’Agriculture, de la souveraineté alimentaire et de l’élevage, est un programme d’insertion socio-économique en milieu rural. Le programme offre une formation et un capital de démarrage aux jeunes de moins de 35 ans qui souhaitent lancer des activités entrepreneuriales dans les domaines de l’agriculture et l’élevage : horticulture, embouche bovine, activités avicoles, mais aussi transformation et valorisation des produits agricoles.
Le programme, qui a démarré il y a quelques années, donne des résultats très intéressants. Avec un investissement initial d’environ 650 000 francs en capital de formation et de démarrage par bénéficiaire, les jeunes ont lancé des activités qui génèrent des revenus mensuels compris entre 150 000 et 420 000 francs, soit deux à sept fois le salaire minimum interprofessionnel. Ils récupèrent ainsi leur investissement initial en l’espace de deux à quatre mois. C’est le cas de Cherif Diouf, 31 ans, qui habite à Bambey. Avant de recevoir le soutien d’Agri-Jeunes, Cherif était parti à Dakar où il travaillait comme ouvrier du bâtiment, avec un emploi occasionnel et un revenu inférieur au salaire minimum interprofessionnel. Après des mois dans cette situation, découragé, il avait envisagé d’émigrer illégalement hors du Sénégal. Mais grâce au soutien du programme, Cherif a pu se lancer dans une activité d’embouche bovine. Il a aujourd’hui trouvé une stabilité financière et représente un modèle pour sa communauté.
Khémesse Diagne, 32 ans, elle aussi originaire de Bambey, est un autre exemple. Après avoir obtenu son diplôme d’études secondaires, Khémesse n’a pas réussi à trouver un emploi et elle est restée femme au foyer, jusqu’à ce qu’elle reçoive le soutien d’Agri-Jeunes. Aujourd’hui, elle gère avec succès une petite entreprise de volaille qui lui permet d’être plus indépendante financièrement.
Environ 10 000 jeunes dont la moitié d’entre eux sont des jeunes femmes, ont bénéficié de ce programme dans les différentes régions : Louga, Thiès, Diourbel, Kaffrine, Fatick, Kaolack, Ziguinchor et Sédhiou. Des jeunes ont décidé de revenir en zone rurale ou beaucoup ne sont pas partis, car ils ont enfin la possibilité de travailler et d’avoir un revenu qui leur permet de vivre dignement.
Le programme s’achèvera dans environ un an. Au vu des résultats, il serait important que le pays capitalise sur ce projet et reproduise ce modèle, en l’étendant éventuellement à d’autres régions.
Le Sénégal a un atout : sa jeunesse. Reproduire et amplifier Agri-Jeunes, c’est saisir l’occasion de faire de cette chance une richesse.
Matteo MARCHISIO
Représentant pays du Fonds international de développement agricole (Fida) au Sénégal
L’article Agri-Jeunes : Une solution au problème de l’emploi des jeunes en milieu rural est apparu en premier sur Lequotidien - Journal d'information Générale.