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Depuis son essor si remarqué au début des années 2000, le cinéma marocain s’est imposé comme un acteur culturel et économique majeur en Afrique et dans le monde arabe. Cependant, son développement reste marqué par des dynamiques spatiales d’inégalités, liées à la centralisation des infrastructures, à la concentration des boites de production, des ressources humaines qualifiées et des administrations compétentes, et d’autre part à l’exploitation sélective du patrimoine architectural.
Casablanca-Settat et Rabat-Salé-Kénitra : Le Cœur du Cinéma
Analogue au contexte politique et économique, La production cinématographique marocaine se concentre principalement dans les régions de Casablanca-Settat et Rabat-Salé-Kénitra, pôles économiques et politiques du pays. le Centre Cinématographique Marocain (CCM)—organe décisionnel clé—est basé à Rabat, où sont octroyés les permis de tournage, les cartes professionnelles et les subventions.
Casablanca abrite quant à elle les principales sociétés de production (e.g., Ali n’ Productions) et studios techniques en plus des prestataires de services et la majorité des sociétés de location de matériels de tournage et de traitement postproduction. S’ajoute à cette concentration le peu de salles de cinéma qui ouvrent encore les portes aux citoyens.
Cette centralisation reflète une logique héritée des infrastructures coloniales, renforcée par des investissements post-indépendance ciblant les grands centres urbains. Les régions périphériques, comme Drâa-Tafilaleté ou l’Oriental, restent marginalisées, malgré leur potentiel culturel.
Cette concentration limite la diversité des récits filmiques et renforce une vision « urbano-centrée» du Maroc, souvent déconnectée des réalités rurales, les déformant ou les caricaturant.
Ouarzazate et Errachidia et Marrakech-Safi : Les Studios du Désert
La région de Drâa-Tafilalet, avec Ouarzazate et ses Atlas Studios, et Errachidia domine les tournages internationaux (Ex. Gladiator, Game of Thrones…). Son paysage désertique et ses kasbahs (e.g., Aït Benhaddou, classé UNESCO) en font un décor privilégié.
Marrakech-Safi, grâce à son patrimoine architectural (médinas, palais), attire aussi des productions hollywoodiennes (Ex. Mission Impossible, Sex and the City 2…). Ces tournages internationaux representes une sources tres importante en termes de devise, d’emploie temporaire, de promotion de tourisme et de renforcement de l’image de marque du Maroc.
Fès-Meknès et Tanger-Tétouan-Al Hoceïma se distinguent également. La médina de Fès, cadre de Mille et Une Nuits (2005), et Tanger, ville mythique du cinéma européen (Casablanca de Curtiz, 1942), illustrent comment le patrimoine est instrumentalisé pour des récits exotiques. (Ex. A la recherches du mari de ma femme, Les voisines de Abi Moussa, de M. A. Tazi)
Si ces régions bénéficient de retombées économiques, la réhabilitation du patrimoine reste souvent superficielle, répondant aux besoins esthétiques des films plutôt qu’à une préservation durable. Notons que la réhabilitation du patrimoine architectural connait aujourd’hui une extraordinaire reprise généralisée et pertinente à l’horizon de l’accueil par le Maroc de deux grands évènements, à savoir : La CAN 2025, et La Coupe du Monde de football 2030.
Les films internationaux servent de vitrine pour au pays généralement et au tourisme en particulier, mais de manière inégale au niveau des régions. Drâa-Tafilalet capitalise sur l’image «désert épique », tandis que Marrakech-Safi et Essaouira (région Marrakech-Safi) voient leur fréquentation augmenter après des tournages comme Game of Thrones.
Cependant, des régions comme Béni Mellal-Khénifra ou Souss-Massa, pourtant riches en paysages, sont sous-exploitées. Le cinéma marocain lui-même, focalisé sur les drames sociaux urbains (Ex. Les films de Nabil Ayouch, de M. Darkaoui, de N.Lkhmari…), ne promeut guère les zones rurales. J. Ferhati, F. Belyazid, M. Smihi et chrif Tribak à titre d’exemple représentent les cinéastes attachés à leurs régions en réalisant la majorité de leurs œuvre à la région Tanger-Teouane-Al Hoceima.
L’image touristique du Maroc à l’étranger repose sur des clichés (désert, médinas, Marche de bazard…) véhiculés par des films étrangers, rarement par le cinéma local qui s’est spatialement urbanies durant plus de deux decenies.
Les tournages génèrent des emplois saisonniers dans l’hôtellerie, la restauration, et comme figurants. Drâa-Tafilalet est la principale bénéficiaire, avec des milliers d’emplois indirects autour d’Ouarzazate. Les régions de Marrakech-Safi et Tanger-Tétouan-Al Hoceïma suivent, grâce à leur attractivité touristique et à l’engagement sans faille de ses cinéastes qui y tournent leurs film régulièrement.
Cependant, ces emplois sont précaires et peu qualifiés. Les formations techniques (éclairage, ingénierie de son, montage…) restent concentrées à Rabat et Casablanca, creusant les inégalités régionales.
Le cinéma participe à la modernisation via :
– Infrastructures : Encouragement de développement d’hôtels et de routes dans les zones de tournage.
– Technologie : Adoption de techniques numériques (Ex. drones, effets spéciaux à Ouarzazate).
– Image Internationale : Le Maroc est perçu comme un pays « bridge » entre Afrique, Europe et monde arabe.
Mais des tensions subsistent :
– Authenticité contre Commercialisation : Les récits locaux sont éclipsés par des productions étrangères cherchant un exotisme de façade.
– Centralisation contre Développement Régional : Les régions périphériques restent dépendantes des décisions administratives prises à Rabat.
1. Décentralisation : Créer des antennes régionales du CCM et des fonds dédiés aux cinéastes locaux.
2. Formation : Implanter des écoles de cinéma à Ouarzazate ou Agadir pour qualifier les travailleurs régionaux, l’initiative de créer une annexe de l’ISMAC A Dakhla est un exemple a suivre.
3. Patrimoine Durable : Lier tournages à des projets de restauration, comme à la Kasbah d’Aït Benhaddou.
4. Cinéma Engagé : Encourager les films reflétant la diversité des 12 régions du royaume connues par leur richesse et diversité culturelle, architecturale et patrimoine immatériel.
Nous soulignons enfin de cette article que le cinéma marocain, bien qu’outil de modernisation comme le prouve le rôle primordial joué par les cinémas puissants des USA, en Europe, aux pays asiatique tel que la Chine la Corée du sud et l’Inde, reproduit des déséquilibres territoriaux historiques. Pour devenir un levier de développement inclusif, il doit s’émanciper de la centralisation et intégrer les spécificités culturelles, économiques et sociales des 12 régions, sur la base fondamentale d’amélioration structurelle de l’infrastructure de production, de diffusion et d’accompagnement médiatico-culturel.
Seule cette approche décentralisée et structurelle permettra au cinéma marocain de refléter – et de participer activement à façonner – un Maroc à la fois ancré dans son patrimoine et résolument moderne.
*Écrivain, artiste et critique. Rédacteur en chef : Masrah Mag
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