L’instauration par les États-Unis d’un droit de douane de 15 % sur l’huile d’olive en provenance de l’Union européenne redistribue les cartes sur le marché mondial. À contre-courant, le Maroc, non concerné par cette surtaxe, se positionne comme l’un des principaux bénéficiaires d’un choc tarifaire qui affole les oléiculteurs espagnols. Vers un réalignement commercial qui pourrait profiter à la stratégie d’exportation du Royaume ?
Le couperet est tombé : à partir de ce mois de juillet, les produits oléicoles issus de l’Union européenne, au premier rang desquels l’huile d’olive espagnole, seront frappés d’un tarif douanier de 15 % à l’entrée du marché américain. Cette mesure, qui s’inscrit dans un contexte de tensions commerciales transatlantiques larvées depuis plusieurs années, menace directement la compétitivité des producteurs espagnols, déjà fragilisés par la volatilité des prix et la sécheresse.
Premier fournisseur du marché américain avec plus de 300 000 tonnes exportées par an, l’Espagne voit ainsi sa position dominante remise en cause. « C’est un coup dur pour toute la chaîne de valeur du secteur oléicole », alerte l’Association espagnole Asoliva, qui évoque des investissements conséquents dans la promotion et le branding de l’huile d’olive espagnole aux États-Unis, aujourd’hui remis en question.
Dans ce jeu de bascule, les exportateurs marocains, turcs et tunisiens voient s’ouvrir une fenêtre d’opportunité stratégique. En effet, les huiles d’olive provenant de ces pays extra-communautaires ne seront taxées qu’à hauteur de 10 %, un écart de cinq points qui pourrait sembler marginal mais qui, à l’échelle de volumes massifs et d’un marché ultra-concurrentiel, fait toute la différence.
Le Maroc, fort de ses avancées agroindustrielles dans le cadre de la stratégie Génération Green 2020-2030, dispose aujourd’hui d’un atout structurel : une filière oléicole en pleine modernisation, avec des exploitations mécanisées, un encadrement technique renforcé, et une montée en gamme vers les standards internationaux de qualité. Autant d’éléments qui pourraient permettre aux huiles marocaines de gagner des parts de marché aux États-Unis dans les mois à venir.
Si les huiles espagnoles bénéficiaient jusqu’ici d’un puissant capital de marque, la nouvelle donne tarifaire pourrait inciter les distributeurs et les chaînes de grande consommation américaines à rééquilibrer leurs portefeuilles fournisseurs. À terme, ce basculement pourrait amorcer un réalignement structurel des flux d’importation, où les pays du Sud de la Méditerranée, et en premier lieu le Maroc, deviendraient des acteurs de référence sur le segment premium, tout en maintenant des prix compétitifs.
Cette évolution serait d’autant plus significative qu’elle s’inscrit dans une dynamique plus large : celle d’un repositionnement stratégique du Maroc sur les chaînes de valeur mondiales, en particulier dans les secteurs agroalimentaires à haute valeur ajoutée. Les exportations marocaines d’huile d’olive, qui tournent actuellement autour de 35 000 tonnes par an, pourraient connaître une accélération soutenue si elles parviennent à s’imposer comme alternative sérieuse sur le marché nord-américain.
Au-delà du seul cas de l’huile d’olive, ce moment charnière agit comme un stress test pour l’ambition exportatrice du Royaume. Les opérateurs marocains devront relever plusieurs défis : renforcer les capacités logistiques, adapter les normes de packaging aux attentes des marchés anglo-saxons, garantir une constance en matière de qualité, et surtout s’organiser collectivement pour structurer une présence commerciale cohérente et durable aux États-Unis.
Le ministère de l’Agriculture, les interprofessions et les grands groupes exportateurs sont d’ores et déjà appelés à se mobiliser pour transformer cette conjoncture en levier stratégique. Car au-delà des droits de douane, c’est une crédibilité économique et industrielle que le Maroc pourrait asseoir, si les bons arbitrages sont faits rapidement.
Alors que les géants européens de l’huile d’olive vacillent sous le poids des barrières tarifaires, le Maroc se trouve à un tournant historique. Saisir cette opportunité nécessite plus qu’une simple réaction conjoncturelle : cela suppose une vision de long terme, une coordination entre acteurs publics et privés, et une montée en puissance réelle de l’offre nationale.
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