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La pandémie de Covid-19 a laissé des séquelles profondes dans le secteur touristique sénégalais. Fermeture des frontières, chute de la fréquentation hôtelière, faillites en cascade, désengagement des opérateurs… Sur la Petite Côte, naguère poumon du tourisme balnéaire, la relance se fait attendre. Pourtant, un vent d’espoir souffle timidement du côté de Mbour, Mbodiène, Warang, Nianing, ou encore des îles du Saloum. Des initiatives locales, associatives et privées tentent de redonner vie à un secteur sinistré, en s’appuyant sur des atouts naturels, culturels et humains peu exploités jusqu’ici.
Un secteur vital à l’agonie
Avant la crise, le tourisme représentait environ 10 % du PIB national et constituait la première source de revenus dans plusieurs zones côtières. À Mbour, Saly-Portudal ou Joal-Fadiouth, des milliers d’emplois directs et indirects dépendaient de l’activité touristique : guides, artisans, restaurateurs, hôteliers, pêcheurs reconvertis en éco-guides… Le choc a été brutal. L’arrêt du tourisme international a révélé la fragilité d’un modèle dépendant de marchés extérieurs, avec peu d’ancrage local.
Les acteurs du secteur le reconnaissent : la relance ne peut plus reposer uniquement sur les touristes étrangers. Il faut désormais miser sur le tourisme intérieur et régional, tout en revalorisant des circuits alternatifs, plus durables, moins concentrés et plus porteurs en termes de retombées pour les communautés locales.
Mbour, un carrefour d’opportunités
Située à une centaine de kilomètres de Dakar, Mbour reste un nœud stratégique du tourisme sur la Petite Côte. Longtemps éclipsée par la station balnéaire de Saly, la ville bénéficie pourtant d’une grande diversité culturelle, d’une activité artisanale intense, d’un patrimoine culinaire riche et de paysages côtiers encore préservés à certains endroits.
Des initiatives citoyennes, portées par des jeunes, des GIE ou des associations locales, émergent ici et là. Des circuits de découverte de la ville, du port, des marchés et des villages environnants (Thiadiaye, Malicounda, Nguékokh) sont proposés aux visiteurs en quête d’authenticité. La rénovation du stade Caroline Faye, les festivals de danse et de lutte, les expositions d’art contemporain, le Septembre Mandingue avec les sorties dominicales du Kankourang sont autant de leviers d’attractivité et de découverte. Le tourisme événementiel, culturel et sportif pourrait ainsi compléter l’offre balnéaire classique.
Les îles du Saloum : l’eldorado oublié
Plus au sud, les îles du Saloum forment un archipel à la fois fragile et fascinant. Classé patrimoine mondial de l’UNESCO et réserve de biosphère, le parc national du delta du Saloum constitue l’un des plus beaux ensembles éco-touristiques d’Afrique de l’Ouest. Mangroves, bolongs, îles ensablées, oiseaux migrateurs, pêche artisanale traditionnelle, villages insulaires animés par une culture sérère vivante : tout y invite au tourisme doux, responsable et participatif.
Pourtant, l’accès difficile, le manque d’infrastructures adaptées, et la faible visibilité médiatique des sites freinent leur développement. À Fimela, Djiffer, Mar Lodj, Falia ou Ndangane, des campements villageois et des écolodges subsistent tant bien que mal. Mais les moyens manquent pour professionnaliser l’accueil, former les jeunes ou valoriser les produits artisanaux. Des projets comme « Delta Alive » ou « Mangrove Tours » témoignent malgré tout d’un réveil progressif de la destination, en lien avec des ONG, des opérateurs locaux.
Vers un tourisme plus inclusif et résilient
La relance du tourisme local impose de repenser les priorités. Il ne s’agit plus seulement d’attirer des visiteurs, mais de construire un tourisme enraciné dans les communautés, qui profite aux jeunes, aux femmes, aux artisans, aux agriculteurs, aux pêcheurs… Cela devrait passer par la mise en réseau des acteurs locaux, la formation aux métiers de l’accueil, le développement de petites unités d’hébergement, la valorisation des patrimoines vivants et naturels.
La Petite Côte et le Saloum recèlent un potentiel énorme pour l’écotourisme, le tourisme religieux, le tourisme gastronomique (valorisation des produits locaux, circuits de dégustation), ou encore le tourisme culturel et mémoriel (fort de Saly-Portudal du XVième siècle, route de l’esclavage, patrimoine oral, cérémonies initiatiques, savoirs endogènes).
Enjeux environnementaux et adaptation
Cet essor ne pourra se faire cependant sans une prise en compte sérieuse des défis environnementaux : érosion côtière, pollution plastique, destruction des mangroves, pressions sur la biodiversité. Le développement touristique doit s’accompagner d’un cadre de protection écologique, de règles claires sur le foncier, et d’une implication active des collectivités territoriales. Des zones comme Joal-Fadiouth, Warang ou la réserve communautaire de Palmarin pourraient servir de laboratoires d’expérimentation d’un tourisme durable fondé sur la sobriété, la pédagogie environnementale, l’innovation sociale. Le rôle des comités locaux de tourisme, des radios communautaires, des écoles, et des plateformes numériques locales sera décisif pour sensibiliser et mobiliser autour de cette vision renouvelée.
Les recommandations des experts convergent. Pour eux, il importe de créer un fonds d’appui au tourisme communautaire, géré localement avec transparence ; former les jeunes et les femmes aux métiers du tourisme durable ; réaliser des campagnes de communication ciblant le public national et africain ; investir dans les accès (routes, pirogues, signalétique) vers les zones touristiques secondaires ; soutenir les produits culturels locaux (musique, artisanat, contes, cuisine) comme vecteurs d’attractivité.
Une relance à imaginer depuis les territoires
La relance du tourisme ne viendra pas de Dakar ou de Paris. Elle se construira, pierre après pierre, à Mbour, dans les îles du Saloum, à Fimela, Joal, Ngaparou, par celles et ceux qui vivent sur place, connaissent les ressources et les besoins, et veulent réinventer un modèle plus juste, plus équilibré. Ce tourisme-là ne cherche pas à faire du chiffre. Il vise à tisser du lien, à restaurer la confiance entre les visiteurs et les habitants, à redonner du sens à l’hospitalité sénégalaise. Dans une époque incertaine, il pourrait bien représenter l’une des clés d’un développement local résilient, solidaire et durable.
Par SAMBA NIEBE BA
L’article Tourisme local- espoirs de relance d’un secteur en difficulté : Mbour et les îles du Saloum : des sites à fort potentiel dans une dynamique de revalorisation est apparu en premier sur Sud Quotidien.