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on - Tue at 10:45 AM -
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Au Sénégal, pays à forte tradition halieutique, la question de la sécurité en mer s’invite avec acuité dans un contexte de changement climatique, de surpêche et de modernisation progressive de la pêche artisanale. Au cœur des débats : le type d’embarcation le plus sûr et le plus adapté aux réalités socio-économiques des pêcheurs. Bois ou fibre de verre ? Tradition ou innovation ? Le choix n’est pas simple.
Entre tradition et modernité : le dilemme des pirogues sénégalaises
La pirogue en bois, taillée dans du fromager ou du teck, est l’image emblématique des plages de Guet-Ndar, Kayar, Joal ou Mbour. Véritable patrimoine immatériel, elle est aussi un outil de subsistance pour des milliers de pêcheurs artisanaux. Mais avec le temps, elle montre des limites : fragilité face aux intempéries, usure rapide, poids important et faible résistance aux chocs.
Face à cela, les pirogues en fibre de verre, issues de la technologie navale moderne, apparaissent comme des solutions plus sûres et plus durables : elles sont plus légères, plus maniables et moins sensibles à la corrosion. Toutefois, leur adoption demeure marginale. Pourquoi ?
Sécurité en mer : un enjeu de vie ou de mort
Chaque année, des dizaines de pêcheurs sénégalais disparaissent en mer, souvent à cause de la vétusté des embarcations, du manque d’équipements de sécurité (gilets, Gps, radios Vhf) ou d’une mauvaise formation aux prévisions météo maritimes. L’État a engagé plusieurs programmes pour renforcer la sécurité maritime, notamment à travers le Prao (Programme régional des pêches en Afrique de l’Ouest), mais les défis restent nombreux.
Selon des experts du Centre de recherche océanographique de Dakar-Thiaroye, la nature du matériau de la pirogue peut influencer la capacité à survivre à un chavirement ou à de fortes houles. En ce sens, la fibre de verre offre un avantage technique, notamment en matière d’étanchéité et de stabilité.
Un choix économique autant que culturel
Si les pirogues en fibre de verre sont techniquement plus avancées, elles posent un problème de coût. Le prix d’une embarcation en fibre peut atteindre 7 à 10 millions de francs CFA, contre 3 à 5 millions pour une pirogue en bois. De plus, l’entretien d’une pirogue en fibre nécessite des matériaux spécifiques, peu disponibles localement, alors que le bois peut être réparé avec des moyens traditionnels.
Il faut aussi compter avec la dimension identitaire : la pirogue en bois est souvent décorée, bénie par des rites, intégrée dans les cérémonies traditionnelles. Elle est plus qu’un outil, c’est une extension du pêcheur lui-même.
Vers un modèle hybride ?
Des chantiers navals sénégalais (comme ceux de Mbour, Joal, Niodior ou Ziguinchor) expérimentent aujourd’hui des solutions hybrides : coque en fibre de verre, renforts en bois, motorisation optimisée. Ces embarcations cherchent à concilier sécurité, légèreté, accessibilité économique et durabilité.
Par ailleurs, des initiatives communautaires, souvent en partenariat avec des ONG ou des institutions comme la FAO, tentent de former les pêcheurs à la maintenance des nouvelles embarcations, tout en sensibilisant à l’usage des équipements de sécurité obligatoires.
Quel avenir pour les pirogues sénégalaises ?
L’avenir des pirogues au Sénégal ne réside pas dans l’opposition entre bois et fibre de verre, mais dans une transition adaptée, progressive et inclusive, qui tient compte des capacités financières des pêcheurs, des conditions de navigation locales, de la préservation de l’identité culturelle, et de la nécessité vitale de sauver des vies en mer.
Pour cela, un cadre normatif clair doit être mis en place, incluant des subventions à l’équipement sécurisé, un registre national des pirogues, des infrastructures de réparation et de maintenance, et un accompagnement ciblé pour chaque profil de pêcheur : pêche de nuit, pêche hauturière, pêche côtière.
La sécurité en mer est un droit fondamental pour les pêcheurs sénégalais. Le choix de l’embarcation n’est pas seulement technique ; il est social, culturel, économique. Entre pirogue en bois et fibre de verre, le Sénégal doit inventer sa propre voie, pour une pêche artisanale plus sûre, plus durable et plus respectueuse des hommes et des traditions.
Samba Niébé BA
L’article Sécurité en mer: l’avenir des pirogues en bois ou en fibre de verre est apparu en premier sur Sud Quotidien.