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Il arrive des moments dans l’histoire d’une Nation où les voix extérieures, empreintes d’une profonde affection et d’une mémoire longue, osent s’élever avec sincérité. C’est ce qu’a fait récemment Maître Robert Bourgi, même si nous pouvons beaucoup le critiquer de par certaines actions passées dans le cadre de la Françafrique. Cet avocat franco-sénégalais, vieux compagnon de beaucoup de présidents africains, dans une lettre ouverte adressée au Président Bassirou Diomaye Faye et à son Premier ministre Ousmane Sonko, alerte. Sa plume, trempée d’inquiétude ou, selon d’autres, d’informations, de renseignements ou de non-dits, interrogee : où va le Sénégal ?
«Je vous parle aujourd’hui avec le cœur lourd… et l’esprit libre.» Ces mots simples mais puissants ouvrent une missive rare. Ce n’est pas un pamphlet politicien. Ça ne semble non plus être un règlement de comptes ou un appel du pied. C’est, au contraire, un cri. Oui ! Un cri ! Et un cri d’une personne qui aime le Sénégal, témoin des luttes pour la démocratie, artisan de la transmission entre les générations politiques, et dont la parole, souvent mesurée, devient ici grave et urgente.
Robert Bourgi n’est pas un inconnu pour les dirigeants actuels. Il fut l’un des rares soutiens publics au parti Pastef à une époque où ses leaders étaient incarcérés ou exilés. Il n’a jamais hésité à défendre Ousmane Sonko lors de ses déboires judiciaires avec l’ancien régime. Mais, précise-t-il, «je suis loyal, mais ma liberté n’a pas de prix». C’est au nom de cette liberté qu’il interpelle aujourd’hui.
«La gouvernance patine. L’économie chancelle. Les partenaires se méfient.» Voilà l’un des constats les plus tranchants de la lettre. En quelques mois, selon lui, l’image du Sénégal s’est brouillée. Les décisions politiques se multiplient sans vision claire. Le Port autonome de Dakar a licencié massivement. Les entreprises privées sont mises à mal. Le personnel diplomatique est humilié. Le pays, qui rayonnait hier, vacille aujourd’hui dans ses fondements.
Et il y a cette question lancinante de la dette : «Quels sont ces emprunts contractés en toute discrétion ? Par quels circuits sont-ils passés ? A quelles puissances sont-ils liés ? A la drogue ? Au terrorisme ? Au blanchiment?» Ces interrogations, posées frontalement, traduisent une exigence et un devoir de transparence. Un Peuple ne peut faire confiance à ses gouvernants que s’il comprend où va son argent et pourquoi.
Sur le front judiciaire, Bourgi ne mâche pas ses mots. Il critique une forme d’instrumentalisation rampante de la Justice. «Que ceux qui ont volé soient jugés, bien sûr, mais qu’on ne confonde pas Justice et vengeance.» Il évoque l’incarcération de plusieurs anciens ministres et hommes d’affaires dont une femme comme Sophie Gladima. «Pour quelles raisons ? Sur quelles bases ?», demande-t-il. Selon lui, l’absence de communication officielle, l’opacité des procédures, tout cela alimente un climat de suspicion nuisible à la cohésion nationale.
L’inquiétude de Robert Bourgi va plus loin : elle touche à l’unité même de la Nation. «Un pays qui se divise… est un pays qui meurt.» Il redoute une fracture davantage grandissante, nourrie par les discours extrêmes, les mises à l’écart, les règlements de comptes. Il rappelle qu’un pouvoir ne doit jamais céder aux sirènes de l’arrogance ou de la vengeance. Il appelle à l’humilité, à l’écoute, à la concertation.
A travers sa lettre, c’est aussi une mémoire qui parle. Celle d’un homme qui a connu Senghor, Abdou Diouf, Wade, Macky Sall, et qui sait ce que signifie tenir une Nation debout. «Ne laissez pas les extrêmes vous dicter la loi. N’oubliez pas que gouverner, c’est rassembler.»
A ceux qui l’accuseraient d’ingérence ou de parti pris, il répondrait sans doute : «J’ai toujours été du côté de la démocratie, pas des vainqueurs du moment. De surcroît, ni les honneurs, encore moins l’argent, ne me rapporteront plus rien, vu mon âge.»
Robert Bourgi, aujourd’hui, ne réclame ni poste ni faveurs. Il n’a rien à prouver, rien à perdre. Il alerte, avertit et conseille. Mais surtout, il aime ce pays qu’il appelle «ma seconde Patrie» et dont il refuse de voir le nom se ternir.
Alors, oui, la question reste entière : où va le Sénégal ? Vers la promesse républicaine qui a porté tant d’espoirs le 24 mars 2024, ou vers un désenchantement précipité par l’inexperience, l’improvisation, l’arbitraire et la division ?
A cette question, seuls les actes futurs du pouvoir répondront. Mais le Peuple, lui, regarde et écoute.
Amadou MBENGUE
dit Vieux
Secrétaire général de la coordination départementale de Rufisque,
Membre du Comité central et du Bureau politique du Pit/Sénégal
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