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Chaque mois d’octobre, le rose envahit nos rues, nos écrans, nos vêtements. Un rituel bien huilé, devenu presque incontournable. Derrière cette vague de mobilisation, une réalité plus discrète persiste : celle des femmes touchées par le cancer du sein, des associations qui les soutiennent, et des moyens qui leur manquent cruellement.
L’intention est belle : sensibiliser, mobiliser, créer du lien. Mais l’émotion ne suffit plus. Derrière les foulards et les casquettes, et les t-shirts, il y a parfois plus de communication que de conviction. Et c’est là que le bât blesse.
Combien de ces initiatives se traduisent concrètement par des dépistages gratuits ? Par des financements pour des associations comme Lisca, qui œuvrent au quotidien sur le terrain avec des ressources dérisoires ?
Combien de ces budgets événementiels permettraient de former des relais communautaires ou de financer des examens de dépistage précoce dans les zones rurales ? À force d’être porté, le rose s’est peut-être délavé.
Et si, à force de vouloir rendre la cause “sympathique”, on en oubliait sa gravité ?
Au Sénégal, 70 % des cas de cancer sont diagnostiqués à un stade avancé, selon la Ligue Sénégalaise contre le Cancer (LISCA).
Chaque année, le pays enregistre environ 1 800 nouveaux cas de cancer du sein et près de 1 000 décès, faisant de cette maladie la première cause de mortalité féminine par cancer. Ces chiffres, en hausse permanente, s’expliquent en grande partie par la détection tardive.
Le coût élevé de la mammographie reste un frein pour de nombreuses femmes, sans parler des traitements comme la chimiothérapie ou la radiothérapie, souvent inaccessibles financièrement ou géographiquement.
Et pendant que nous défilons, les chiffres continuent de grimper.
Dans le même temps, d’autres cancers : col de l’utérus, foie, prostate, gagnent du terrain, révélant l’ampleur silencieuse du défi.
Les inégalités d’accès à l’information, au dépistage et aux soins persistent, particulièrement en zones rurales.
Or, la prévention ne se fait pas en vendant des casquettes, mais en finançant des campagnes ciblées, en soutenant les associations locales, en formant les professionnels de santé.
Octobre Rose ne doit pas devenir une opération de communication creuse.
Il doit rester un mois de solidarité réelle, de mobilisation utile et de soutien concret.
Des rubans, oui, mais surtout des actions durables
Encore une fois, il ne s’agit pas de remettre en cause l’importance d’Octobre Rose. C’est une campagne essentielle, qui a permis de briser des tabous et de sauver des vies. Ce que l’on interroge, c’est la forme que prend parfois cette mobilisation : festive, performative, au risque d’éclipser le fond : la prévention, le dépistage et l’accompagnement des malades tout au long de l’année.
Heureusement, Novembre Bleu, consacré aux cancers masculins, notamment celui de la prostate, n’a pas encore pris ces allures folkloriques. Au Sénégal, la Ligue Sénégalaise Contre le Cancer (LISCA) et quelques structures hospitalières organisent des journées de sensibilisation et de dépistage, souvent en toute sobriété. Une approche plus discrète, mais sans doute plus fidèle à l’esprit initial : parler de santé sans fard, sans artifice, et avec la dignité que mérite chaque combat contre la maladie.
Des causes multiples, souvent ignorées
Ces maladies trouvent parfois racine dans nos habitudes alimentaires, nos modes de vie urbains sédentaires, ou encore certaines pratiques esthétiques risquées.
Les produits de dépigmentation, l’usage répété de substances chimiques, le manque d’activité physique ou la surconsommation de sucre et de gras sont autant de facteurs aggravants.
Pour autant, il ne s’agit pas de renoncer aux marches ou aux rassemblements.
Ces moments ont leur importance : ils rassemblent, libèrent la parole, donnent une visibilité nécessaire à la cause. Mais ils doivent être le point de départ, pas la finalité.
Le gouvernement sénégalais a multiplié les initiatives : campagnes de sensibilisation, dépistages gratuits, partenariats avec les collectivités locales et les ONG.
Mais les défis majeurs demeurent. La prévention, pourtant essentielle, reste reléguée derrière le folklore médiatique du mois rose. Sans une stratégie pérenne d’éducation sanitaire, de formation du personnel et d’accès équitable au dépistage, la lutte contre les cancers féminins risque de rester symbolique plutôt que structurelle.
Au-delà des casquettes et des slogans, Octobre Rose devrait être le tremplin d’une politique de santé publique ambitieuse.
La lutte contre les cancers féminins ne peut se limiter à une mobilisation ponctuelle : elle exige une stratégie pérenne, structurée et inclusive.
Cela passe par :
L’éducation sanitaire dès le plus jeune âge, en intégrant la prévention dans les programmes scolaires.
La promotion des bonnes pratiques alimentaires et d’une hygiène de vie responsable : encourager une alimentation équilibrée, limiter la consommation de sucre et de gras, favoriser l’activité physique régulière, et réduire l’exposition à des produits chimiques ou cosmétiques à risque.
La prévention et le dépistage systématique, en sensibilisant sur l’importance des examens réguliers (auto-palpation, mammographie, frottis) et en facilitant l’accès aux soins, même en zones rurales.
Le renforcement des médias communautaires, pour diffuser des messages adaptés aux réalités locales.
La formation continue des professionnels de santé, notamment dans les zones rurales.
Le soutien durable aux associations de terrain, comme Lisca, qui accompagnent les malades au quotidien.
Une transparence accrue sur l’utilisation des fonds collectés, pour garantir leur impact réel.
La santé ne se décrète pas en octobre. Elle doit se construire chaque jour, dans les actes, les choix et les engagements. Et le rose ne doit pas être une mode mais rester un rappel à la vie.
Et si, au lieu d’attendre octobre, nous faisions de chaque mois, un mois de prévention, d’écoute et de soin partagé ?
Par Cécile Thiakane – Consultante en RSE
L’article Octobre Rose : pour une solidarité qui soigne, pas qui s’affiche est apparu en premier sur Sud Quotidien.
