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Cela fait désormais deux ans que Mohamed Bazoum, dernier président démocratiquement élu du Niger, vit reclus dans deux petites pièces de sa résidence officielle, transformée en geôle silencieuse. Le 26 juillet 2023, il est renversé par un coup d’État, orchestré par le général Abdourahamane Tiani, chef de sa garde présidentielle. Depuis, il partage son isolement avec son épouse Hadiza. Le couple, privé d’air libre, n’a plus accès à l’extérieur, ni aux télécommunications, ni aux visites familiales, à l’exception d’un médecin autorisé à venir une fois par semaine. Durant les trois premiers mois, ils sont même privés d’eau courante et d’électricité. Leur plus jeune fils, Salem, a lui aussi été détenu, avant d’être libéré en janvier 2024 grâce à l’intervention du Togo.
Toutes les médiations ont échoué. En juin 2024, une juridiction d’exception, créée par la junte, lève l’immunité présidentielle de Bazoum, accentuant son isolement. Il n’a toujours pas accès à ses avocats, ni à une procédure judiciaire équitable. À 65 ans, il continue de refuser toute démission, malgré les pressions évidentes de ses geôliers. Contrairement aux présidents maliens et burkinabè, également victimes de putschs, Bazoum tient tête. Et ce refus d’abdiquer devient peu à peu un symbole, une ligne de crête morale que la junte peine à briser.
Pendant ce temps, le Conseil national pour la sauvegarde de la patrie, structure de transition mise en place après le coup d’État, s’enlise. L’alliance des militaires de Niamey avec les juntes de Bamako et Ouagadougou n’a pas produit les effets espérés. Sur le terrain, les groupes jihadistes progressent, menaçant la stabilité du pays. Même les grandes villes, dernier bastion de l’autorité militaire, sont sur le fil. La situation économique est catastrophique : caisses vides, retards de salaires, inflation. Même la Chine, partenaire stratégique, prend ses distances. Quant aux discours anti-Français, ils ne suffisent plus à masquer la débâcle. Le régime militaire est exsangue, autant qu’impopulaire.
En coulisses, l’ombre d’un autre homme plane : Mahamadou Issoufou, président de 2011 à 2021, mentor et ami de Bazoum. C’est lui qui a placé Tiani à la tête de la garde présidentielle. Plusieurs proches de Bazoum affirment que ce dernier n’a jamais mesuré la menace. « Il ne prenait pas Tiani au sérieux », disent-ils. Issoufou, lui, continue d’apparaître dans les arènes africaines, jamais inquiété, plaidant même à Addis-Abeba la levée des sanctions contre la junte. Il faudra attendre août 2024, sous la pression de la Fondation Mo Ibrahim (qui lui avait décerné un prix de bonne gouvernance) pour qu’il condamne enfin, le coup d’État.
Bazoum, lui, s’était lentement affranchi de son mentor. Philosophe de formation, il avait entrepris une réforme anti-corruption vigoureuse. Il avait notamment retiré à Sani Issoufou, fils de l’ancien président, ses prérogatives sur le secteur pétrolier. Il avait lancé un audit de la Société nigérienne des produits pétroliers et prévoyait de créer PetroNiger, une nouvelle société nationale, dont le lancement était prévu pour le 27 juillet 2023. La veille, il était renversé.
Le peuple, qui avait cru au début à une révolution contre un système prédateur, découvre vite le piège. « Bazoum a été écarté pour que rien ne change », résume un activiste. Depuis, les dossiers de corruption ont disparu dans les tiroirs de la junte. Tous les partis, y compris le PNDS qu’il avait cofondé avec Issoufou, sont dissous.
Aujourd’hui, même les célébrations prévues pour les deux ans du putsch ont été annulées. Bazoum, lui, reste debout, enfermé mais digne. Il n’a rien signé, n’a pas cédé. Il incarne, malgré lui, la dernière figure d’une alternance démocratique trahie. Et peut-être, la promesse d’un sursaut à venir.
Henriette Niang Kandé
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