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on - Wed at 10:30 AM -
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« Ma belle-mère exige que je cuisine pour elle chaque jour, même si j’ai un emploi à temps plein. Elle dit que je dois quitter mon travail»
« Mes belles-sœurs divorcées, revenues vivre au domicile familial, m’humilient chaque jour. Mon mari refuse de les contredire»
« Cela fait cinq ans que je suis mariée. Je n’arrive pas à tomber enceinte, et ma belle-mère me tient pour seule responsable»
« Mon mari a perdu son travail depuis quelques mois, je porte la famille à bout de bras, ma belle-mère bien qu’au courant, et à notre charge ne me donne aucune considération et me harcèle tous les jours, une dépression me guète »
Ces témoignages sont réels et ne sont pas des cas isolés. Ils racontent des violences banales, répétées, souvent tues. Au Sénégal, les violences faites aux femmes sont généralement abordées sous l’angle des violences conjugales. Pourtant, une autre forme de maltraitance, exercée par la belle-famille, reste largement ignorée dans les débats publics. Une violence intra-familiale, exercée par des femmes envers d’autres femmes, mais ancrée dans une logique patriarcale de domination.
Dans de nombreuses familles sénégalaises, la jeune épouse intègre le domicile conjugal avec l’obligation de « s’adapter ». Cette adaptation s’accompagne parfois d’un harcèlement insidieux : surcharge de travail domestique, surveillance constante, humiliation, isolement, ou encore chantage affectif. La belle-mère et les belles-sœurs, en tant que figures d’autorité, imposent souvent des exigences qui dépassent l’entraide familiale.
Et même quand la jeune épouse a la chance de vivre dans son propre appartement ou maison, la belle-mère peut venir facilement s’y installer et y mener sa loi comme si elle était dans sa propre demeure. Certaines femmes sont contraintes d’abandonner leur emploi, d’entretenir à minima des liens avec leur famille d’origine car leurs sorties sont contrôlées, ou de se plier à des rituels de soumission. Le tout dans une attente implicite de sacrifice au nom du mariage.
Ces violences prennent des formes diverses :
Le plus souvent, ces actes sont justifiés au nom de traditions ou d’une supposée hiérarchie familiale. On parle de « mise à l’épreuve » de la belle-fille, comme si l’humiliation devait faire partie du trousseau de la mariée.
Le poids des traditions patriarcales rend ces violences d’autant plus dangereuses qu’elles sont socialement tolérées. Le mougne (le fait de supporter en silence) est érigé en vertu féminine. L’épouse victime est sommée de ne pas « détruire le foyer », de « faire avec », de « rester forte pour les enfants », « d’être une bonne croyante et de n’y voir que de la volonté divine »
Cette souffrance est d’autant plus profonde que l’entourage, y compris le mari, se fait souvent complice, par passivité ou par crainte d’entrer en conflit avec sa famille. L’épouse est ainsi doublement isolée : psychologiquement et socialement. Et il arrive même qu’elle ne trouve aucun support de la part de sa propre famille quand elle ose se confier.
Soyons conscient que ces ces violences familiales, même lorsqu’elles ne laissent pas de traces visibles, ont des conséquences profondes et durables sur l’ensemble de la société. Leur coût est élevé et tout le monde paiera l’addition.
Il est temps que la société sénégalaise reconnaisse l’existence de ces violences intrafamiliales, et qu’elle les traite avec la même rigueur que les violences conjugales classiques. Pour cela, plusieurs leviers doivent être actionnés :
Ces violences, bien que souvent invisibles, laissent des cicatrices durables. Elles brisent l’estime de soi, détruisent des couples, mettent en danger la santé mentale et physique des femmes.
Reconnaître leur existence, c’est ouvrir la voie à une société plus juste, où le respect ne dépend pas du statut marital, de l’ethnie ou de l’ordre hiérarchique familial.
Lutter contre ces violences, c’est donc aussi bâtir une société plus saine, plus juste et plus résiliente.
Il ne peut y avoir d’équilibre familial durable sans égalité, dignité et protection des droits fondamentaux de toutes les femmes.
La violence, même voilée par la tradition, reste de la violence. Ne serait-il pas temps d’y mettre un terme ?
CECILE THIAKANE
Consultante RSE
L’article Mariées sous pression : violences familiales invisibilisées au Sénégal est apparu en premier sur Sud Quotidien.