" "
Posted by - support -
on - Tue at 12:30 PM -
Filed in - Society -
-
8 Views - 0 Comments - 0 Likes - 0 Reviews
Dans les ruelles des villes ou les villages reculés du Sénégal, certains métiers manuels, autrefois nobles et essentiels, s’effacent lentement sous le poids du progrès technologique. Maréchaux-ferrants, cordonniers, horlogers ou photographes traditionnels voient leur art marginalisé, concurrencé ou balayé par des innovations qui bousculent les usages. Une mutation silencieuse mais profonde, qui questionne l’avenir des savoir-faire artisanaux et leur place dans la société moderne.
Un monde artisanal en recul
À l’heure où le monde célèbre l’intelligence artificielle, les objets connectés ou la fabrication 3D, des métiers ancestraux disparaissent presque sans bruit. Ils portaient pourtant en eux une mémoire vivante, une dextérité transmise de génération en génération, et un ancrage fort dans les économies locales. Leur disparition n’est pas seulement une perte économique, mais aussi une fracture culturelle et identitaire.
Maréchal-ferrant : le pas lent du déclin
Dans les zones rurales comme le Sine ou le Ferlo, il arrive encore d’entendre le cliquetis d’un marteau sur l’enclume d’un maréchal-ferrant. Artisan du cheval et du feu, il assurait jadis la ferrure, le soin des sabots, parfois même des interventions proches de la médecine animale. Mais la mécanisation de l’agriculture et le recul de l’usage des chevaux ont drastiquement réduit le besoin.
« Je suis le dernier dans mon secteur. Mon fils est à Dakar, il travaille dans le transport. Moi, je continue par passion », raconte El Hadji M., maréchal à Nioro. À cela s’ajoutent les effets de la science vétérinaire moderne, qui propose des techniques plus précises, réservées à une clientèle élitiste de chevaux de sport ou d’apparat.
Cordonnier : le cuir usé du modèle jetable
Autrefois omniprésents dans les marchés, les cordonniers voient aujourd’hui leur activité concurrencée par les chaussures importées bon marché. Fabriquées en plastique ou en mousse, elles ne sont ni durables ni réparables. Le geste du raccommodage, le coup de poinçon sur le cuir, le soin du talon usé deviennent rares.
Dans son atelier exigu de Keur Massar, Amadou ajuste une sandale déchirée. Il soupire : « Les jeunes viennent me voir seulement quand c’est une chaussure chère. Sinon, ils achètent neuf à Sandaga ou chez les vendeurs ambulants. »
Le cordonnier, artisan de la durabilité, se trouve ainsi relégué à la marge. Pourtant, dans un contexte de crise écologique et de recherche de consommation responsable, son rôle pourrait redevenir central, à condition d’un changement de regard et de politiques d’appui ciblées.
Horloger : le silence des aiguilles
Avec la numérisation du temps, l’horloger traditionnel a perdu son rôle de gardien du rythme quotidien. Smartphones, montres connectées et objets intelligents ont détrôné l’horloge mécanique. Les outils de mesure du temps sont devenus des gadgets multifonctions, souvent jetables.
« Une montre suisse, je peux encore la réparer. Mais les montres chinoises à 1500 francs CFA ? C’est de la mécanique de masse, conçue pour être remplacée », explique Moustapha, artisan horloger à Thiès. Les écoles techniques qui formaient ces orfèvres de la précision ferment ou réorientent leurs programmes vers l’électronique et le codage.
Photographe : l’image désincarnée
Autre métier profondément bouleversé : celui de photographe traditionnel. Il fut un temps où les studios photo, avec leur toile de fond colorée et leurs spots rudimentaires, rythmaient les cérémonies, les cartes d’identité ou les portraits de famille. Aujourd’hui, le téléphone portable a remplacé l’objectif.
« Tout le monde est photographe maintenant. On prend des selfies, on ajoute un filtre, on partage… mais plus personne n’imprime une vraie photo », déplore Fatou Diagne, photographe à Kaolack. Les laboratoires ferment, les pellicules se raréfient, et le métier se perd dans la foule numérique.
Certains résistent, en se spécialisant dans les archives visuelles ou les reportages haut de gamme. Mais pour beaucoup, le métier a perdu son aura d’antan, son rituel, et son revenu.
Des métiers en péril… mais pas sans avenir
Les avancées scientifiques ne sont pas les seules responsables. La transition économique et culturelle, la mondialisation des produits manufacturés, et le désintérêt des jeunes générations y participent tout autant. Pourtant, ces métiers ont un potentiel de renaissance, à condition d’être repensés et adaptés.
Des solutions existent :
Résister ou se réinventer
Ces métiers menacés sont des trésors d’expérience, de patience et de lien social. Ils incarnent une autre vision du travail, fondée sur la matière, la transmission, la lenteur. Face aux machines et à l’intelligence artificielle, ils rappellent que la main humaine, l’œil de l’artisan, le temps long de la réparation ont encore une valeur. Redonner leur place à ces métiers, c’est aussi construire une modernité plus ancrée, plus humaine, plus solidaire.
Samba Niébé Ba
L’article Maréchal-ferrant, cordonnier, horloger et photographe : Des métiers menacés par les avancées scientifiques est apparu en premier sur Sud Quotidien.