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La cérémonie de dédicace du nouveau roman de Babacar Sall, « L’Auberge des fêtards », s’est déroulée à la Maison d’édition L’Harmattan, samedi dernier. L’événement a réuni des intellectuels, des amoureux de la littérature et des proches de l’auteur, venus célébrer une œuvre décrite comme une critique acerbe des dérives du pouvoir et de la mal gouvernance au Sénégal. Parmi les intervenants, le journaliste Vieux Savané a livré une analyse de l’ouvrage, situant celui-ci dans la continuité des réflexions politiques engagées par l’auteur. En réalité, les élites semblent plus préoccupées par leur enrichissement personnel que par l’amélioration des conditions de vie des populations.
Dans son intervention, Vieux Savané a rappelé que « L’Auberge des fêtards » s’inscrit dans la lignée du premier roman de Babacar Sall, « Le Stagiaire », qui traitait déjà de la première alternance démocratique au Sénégal. Selon lui, les deux œuvres partagent une même préoccupation : la question du pouvoir et de son exercice dans un contexte africain marqué par des attentes déçues et des élites déconnectées.
« Ce roman est une critique acerbe de l’étalage indécent de la richesse », a déclaré Savané, évoquant des scènes symboliques comme « des billets de banque jetés à même le sol pour tapisser une route », tandis que la majorité de la population lutte pour sa survie. Il y voit une satire des élites « hors-sol », plus préoccupées par leur enrichissement personnel que par l’amélioration des conditions de vie des populations. Le journaliste a souligné que le roman met en lumière un phénomène qu’il nomme la « mal gouvernance » : un système où le pouvoir est perçu comme un butin et non comme un fardeau ou une responsabilité. « Chaque fois qu’on nomme quelqu’un à une fonction, il a tendance à chercher à convertir sa position en moyens de prédation », a-t-il déploré, pointant du doigt une culture de l’enrichissement illicite et de gaspillage des ressources publiques.
Vieux Savané a également évoqué la figure de Mamadou Dia, ancien président du Conseil, à qui l’auteur rend hommage dans son livre. « Un homme de droiture et de rigueur », selon ses termes, qui contrastait avec l’image des dirigeants d’aujourd’hui, tentés par le « pouvoir personnel et absolu ».
Enfin, le journaliste a insisté sur l’actualité brûlante du roman, alors que le Sénégal vit une autre alternance politique. « La politique, ça sert à quoi ? Est-ce à changer le vécu des populations ou son propre vécu ? » s’est-il interrogé, reprenant la question centrale posée par Babacar Sall. Pour Savané, « L’Auberge des fêtards » symbolise la fuite des élites et l’échec de l’espoir collectif, poussant une jeunesse désenchantée à chercher ailleurs un avenir meilleur.
Un miroir des dérives et désillusions de la société sénégalaise
Prenant la parole, Babacar Sall a d’abord rendu hommage à son collaborateur et ami, Abdoulaye Diallo, qu’il a décrit comme un « entrepreneur rigoureux et passionné, qui a bâti L’Harmattan Sénégal à partir de rien, dans un contexte de rareté matérielle ». Il a salué en lui « un homme de responsabilité et d’éthique », ayant su ériger une maison d’édition sénégalaise forte et indépendante.
Revenant sur son itinéraire personnel, l’auteur a confié que son amour pour la lecture s’est forgé dans un environnement où le livre était rare : « Je lisais tout ce qui me tombait sous la main, même les emballages de marché », a-t-il raconté avec émotion. Lauréat d’un concours de poésie à Dakar dans les années 1970, il découvre alors sa vocation d’écrivain. De la poésie au roman, son parcours littéraire a toujours été intimement lié à l’engagement politique et à la défense des libertés.
Exilé pendant plusieurs années à cause de ses écrits critiques, notamment durant le régime d’Abdoulaye Wade, Babacar Sall rappelle que pour lui, « écrire en Afrique, c’est forcément s’engager ». Dans L’Auberge des fêtards, il peint une société « en déclin », minée par la perte des valeurs, le mensonge érigé en norme sociale et l’avidité du pouvoir.
Le roman met en scène Babou Boy, un personnage désabusé par les échecs de la société post-coloniale, qui décide de se retirer dans un espace symbolique : l’auberge des fêtards. Ce lieu devient le théâtre d’une satire sociale où se côtoient les « parvenus de la République », les victimes du système et les âmes en quête de vérité. L’auteur y dénonce la « société post-argent », dominée par la démesure, l’ostentation et la falsification des valeurs.
À travers ses personnages notamment Sornoros Fatou, femme blessée par la vie et symbole des fractures sociales, Babacar Sall interroge le rapport au pouvoir, à la vérité et à la dignité. « Le mensonge est devenu plus beau que la vérité », résume-t-il, en écho à la dérive morale qu’il observe dans la société contemporaine.
Pour l’auteur, L’Auberge des fêtards est à la fois un roman de désillusion et un cri d’espoir : « Nos sociétés finiront toujours par la révolution », affirme-t-il, soulignant que la véritable paix ne se limite pas à l’absence de guerre, mais suppose aussi « la paix des ventres et des corps ». C’est-à-dire se nourrir et se soigner sont un fardeau pour les nombreuses qui ploient dans la pauvreté absolue. Entre confidences personnelles et plaidoyer pour la vérité, Babacar Sall a rappelé que la littérature reste, pour lui, un instrument de résistance et un espace de lucidité.
LAMINE DIEDHIOU
L’article « L’auberge des fêtards » : nouveau roman de Babacar Sall : les élites politiques préoccupées par leur enrichissement personnel est apparu en premier sur Sud Quotidien.
