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Les récentes poussées violentes ayant le pays frappé ont durement touché Bambilor, Niague, Sangalkam et la zone du Lac Rose, provoquant de nouvelles inondations aux conséquences sociales et matérielles dramatiques. Des habitations envahies, des routes efffondrées, des familles prisonnières des eaux : le scénario, loin de s’atténuer, semble au contraire se répéter avec une intensité croissante. Pour analyser les causes de cette récurrence et explorer les voies de solutions durables, nous avons sollicité l’expertise de Serigne Touré, Directeur général de la société d’Ingénierie et d’Aménagement technique (SIATT) active au Sénégal comme dans plusieurs pays africains. L’ingénieur avertit : « Ce n’est pas un problème qui se règle en un ou deux mandats. Il faut une vision à long terme, un plan directeur sur 25 ou 30 ans, et le courage de dire la vérité aux populations. »
Selon lui, la situation s’explique par une combinaison de facteurs structurels et conjoncturels. Le premier réside dans un défaut d’aménagement : « On occupe des zones qui devraient être réservées à l’écoulement des eaux. Que ce soit par des habitations ou des infrastructures comme les routes, cela obstrue le passage naturel de l’eau. » Vient ensuite le retour d’une pluviométrie soutenue. « Depuis 2004-2005, le Sénégal connaît une augmentation des précipitations, sans toutefois dépasser les niveaux enregistrés avant les années 70. La sécheresse des années 70 a favorisé l’occupation de zones aujourd’hui revenus humides. » Enfin, l’absence d’ouvrages de drainage adaptés accentue le désastre : « Même en zone inondable, avec des bassins de rétention et des canalisations bien pensées, on peut réduire considérablement l’impact. »
Les conséquences sont d’autant plus lourdes qu’elles mêlent traumatisme humain et coût économique. « Les gens se réveillent dans l’eau. Il n’y a pas pire », résume Serigne Touré. Routes dégradées, maisons détruites, activités suspendues, sans compter les milliards que l’État consacre chaque année au pompage d’urgence. Autant de charges financières répétées qui ne règlent pas le problème de fond. « Aucun gouvernement ne peut se permettre de ne pas intervenir, mais ces interventions ponctuelles ne règlent rien dans la durée. »
Pour une gestion pérenne des eaux pluviales, l’ingénieur propose la réalisation de bassins de rétention et de réseaux de canalisation dimensionnés selon les débits. Il cite l’exemple du bassin versant du Lac Rose, couvrant près de 14 000 hectares. « Pour drainer correctement cette zone, il devrait investir environ 54 milliards de FCFA. Et encore, cela n’inclut pas la gestion des eaux usées. »
À cela s’ajouterait le coût de la délocalisation des populations occupant les zones inondables, un poste supplémentaire augmentant à 10 milliards de FCFA pour la seule zone du Lac Rose.
Au-delà des aspects techniques, M. Touré insiste sur la nécessité de dépolitiser la gestion des inondations. « Ce n’est pas un problème qui se règle en un ou deux mandats. Il faut une vision à long terme, un plan directeur sur 25 ou 30 ans, et le courage de dire la vérité aux populations. » Il appelle à l’application rigoureuse du code de l’urbanisme et de l’environnement, qui impose aux promoteurs d’intégrer des réseaux d’assainissement et de drainage dans leurs projets. « Si on avait appliqué la loi, on n’en serait pas là. Aujourd’hui, il faut aussi que l’État assume sa part : construire les “autoroutes” de drainage pour que les promoteurs puissent s’y connecter. »
En conclusion, Serigne Touré patiente à tempérer les attentes : « Même avec les meilleures infrastructures, une pluie exceptionnelle peut tout de même causer des inondations. L’objectif est de les rendre rares et gérables, pas impossibles. Cela exige du temps, des moyens et une volonté politique constante. »
La multiplication des épisodes d’inondations au Sénégal n’est pas seulement une fatalité climatique mais le reflet d’une gouvernance urbaine inachevée. Le pays se trouve au croisement d’un défi démographique, d’une urbanisation anarchique et d’un climat en mutation. Ignorer cette équation, c’est s’exposer à une spirale de destructions et de dépenses d’urgence sans fin. La seule voie viable reste une planification courageuse, assumée et libérée des cycles électoraux
Lamine Diédhiou
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