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L’embrouillamini dans lequel s’exerce le pouvoir Pastef me rappelle cette si belle phrase de Amin Maalouf, écrite dans Origines (Grasset, 2004) : «L’autorité ne [doit] pas s’exercer dans le bavardage, mais dans le silence, ou tout au moins dans la plus grande économie de mots.» On ne travaille pas donc dans la cohue ; rien d’important ne se fait sans le silence et la solitude. Cela dit, les tenants du pouvoir, et c’est très inquiétant, ont plus de temps que l’opposition, pour épiloguer sur tout, alors que c’est cette dernière qui doit pourtant hériter du ministère de la parole. Du Directeur général au ministre, en passant par le Premier ministre et ses députés, on déniche au quotidien, et à qui mieux mieux, des polémiques inutiles. Celles-ci constituent, pour les gardiens de la grande révolution de mars 2024, une manière d’occuper les esprits, de les dévier de l’essentiel, c’est-à-dire les urgences économiques et sécuritaires. Le Dr Yoro Dia parle d’«armes de distraction massive».
Avec les 4 000 cadres de Pastef, ces vaillants et brillants Sénégalais à qui nous devons le fameux «Projet» et ses innombrables avatars, nous n’aurons pas droit à l’ennui. J’avouais récemment à un ami mon étonnement de voir que nos dirigeants, en dépit de leurs énormes responsabilités, sont si guillerets et frivoles. Il suffit qu’un hétérodoxe prononce un mot et, feu !, pour qu’ils enfilent leur veste de hussard et les comportements qui vont avec, oubliant ainsi toute la symbolique et la portée de leurs fonctions respectives. L’exercice du pouvoir n’a décidément aucune emprise sur leurs gamineries et leur immaturité sociale. Les réseaux sociaux, ces espaces de désintégration du lien social, sont devenus, semble-t-il, le «chef-lieu» du pouvoir Pastef.
Le Directeur général du Grand Théâtre, Serigne Fall Guèye, du haut de son promontoire de souverainiste à l’accoutrement effarouchant, et voulant attirer l’attention des Sénégalais au nez et à la barbe du président de la République, a pris une décision sexiste et absurde intimant à l’ensemble du personnel de s’habiller à l’africaine, avant de retrouver sa raison sectaire. De Nègre. Une plaisanterie de quelques heures d’un homme qui ignore manifestement les prérogatives qui lui sont dévolues par l’institution. Un esprit taquin a écrit, sur Facebook, qu’il a réussi son objectif : s’extirper de l’anonymat afin que ses collègues «patriotes» ne lui fassent pas ombrage…
Avant lui, le coordinateur du Bureau d’accueil, d’orientation et de suivi des Sénégalais de l’extérieur et des migrants (Baos), Khadim Bamba Fall, en se rendant à son bureau, c’est-à-dire sur X, savoure sa victoire sur le livre impie -ou pie- de Madiambal Diagne. Il déclare, avec satisfaction et excitation, avoir conjuré l’opus de l’Aéroport international Blaise Diagne (Aibd). Opus dont le destin, selon lui, doit être l’autodafé, car, vous le savez déjà, il documente la passade mouvementée et tragique de leur chef avec une jeune femme. Passade dont les conséquences, désastreuses et multiples, continuent de perturber les nuits luxueuses de notre bonhomme, le Premier ministre Ousmane Sonko.
Le ministre de l’Enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation (Mesri), Dr Abdourahmane Diouf, à son tour, présente l’étudiant sénégalais non pas comme un investissement pour l’avenir, mais une charge budgétaire qui aggrave la situation chaotique d’un Etat déjà au 4ème sous-sol. Cette déclaration, qui traduit une incompétence et un mépris flagrant, a de quoi susciter le courroux des étudiants, qui sont en droit de penser que leur avenir est le dernier souci des gouvernants. On peut aisément flairer l’ambition d’un pays à l’aune de l’importance qu’il accorde à son éducation nationale ; on peut aussi constater que le nôtre, qui a sacrifié son éducation depuis les années 1980, a perdu son âme, c’est-à-dire sa vocation de terre de culture, comme le dit Ibou Fall. En fin de compte, comme l’avait rappelé Abdoulaye Wade, après bien d’autres, si nous estimons que l’éducation coûte cher, nous n’avons qu’à tabler sur l’ignorance. Et des étudiants brûleront à nouveau leurs université et bibliothèque.
C’est enfin au ministre de l’Energie, du pétrole et des mines, Birame Soulèye Diop, de théoriser le gouvernement des insulteurs. Il est quand même impossible que ce zélote, un habitué des faits, ne soit pas cité dans cette kyrielle de polémiques. Il a tenu son rang, après tout. Que ceux qui passent leur temps à insulter et à profaner le Premier ministre se le tiennent pour dit : le «gatsa-gatsa» -avec qui ?- est toujours de mise. L’«Armée du salut» est toujours là, avec ses bombardements aveugles, prête à déchiqueter tous les hérétiques. Les petits gladiateurs du «Projet» ont reçu l’ordre officiel et solennel qui, tenez-vous bien, émane d’un membre du gouvernement : répondre par l’insulte à toutes les insultes envers le guide suprême (aucune force, fût-elle présidentielle, n’est au-dessus de lui !) de la révolution. Révolution ? Entendons-nous bien sur les mots pour éviter la guerre, enseigne Confucius…
Selon le ministre, les servitudes de la République s’arrêtent en fin de semaine, et qu’à partir de là, il peut se permettre de jouer au citoyen ordinaire, libre de ses mots et lubies. C’est comme cela qu’il conçoit ou devine la gestion des affaires publiques. Rien n’est plus faux, et rien n’est plus dangereux.
Cela fait presque 2 ans que nous attendons, impatients et agonisants, les démonstrations de force du fameux «Projet», lequel a été pourtant la principale «offre politique» de Pastef. Il faut dire que l’insurrection n’a pas été mâtinée de «Solutions», et que Pastef est venu au pouvoir les mains vides. D’où toutes ces politiques à tâtons, lesquelles continuent de plomber l’économie de notre pays. Les théoriciens naguère du miracle -«donnez-nous ce pays et, au bout de 3 petits mois, nous le chambarderons»- sont devenus des pêcheurs de boucs émissaires. Tantôt, quand les juges disent le Droit, c’est la Justice qui est présentée comme le talon d’Achille des grandes ambitions de transformation systémique du pays, et qu’il faut l’épurer de fond en comble ; tantôt le Système dont les tentacules ne font que s’élargir. Si le Premier ministre était un lecteur de Charles Baudelaire, il parlerait sans doute de «métamorphoses du vampire».
Ironie de l’histoire, il annonce maintenant un Plan de redressement national, après 15 mois aux affaires. Est-ce un nouvel avatar du «Projet ?». Si tant est que celui-ci puisse exister un jour.
Avec ce régime aux déconfitures judiciaires inédites, nous sommes entre le zist et le zest, c’est-à-dire dans une situation indécise, kafkaïenne -une vieille expression française du XVIIIe siècle. Le drame est qu’il n’y a pas un idéal clair à suivre. Mais la laisse du mensonge, dit-on, est courte, très courte.
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