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Les journées de synthèse, organisées souvent à la veille de l’examen du baccalauréat, offrent l’occasion aux différents professeurs de philosophie et spécialistes de passer en revue le programme et de donner des conseils méthodologiques.
C’est dans ce cadre que j’ai été sollicité pour participer à une journée de synthèse. Les notes et remarques sont l’objet de ce texte que j’ai voulu partager avec nos candidats.
J’ai voulu sortir des sentiers battus, pour ne pas revenir sur les cours traités en classe, et inscrire mon propos dans une perspective didactique et attirer l’attention des candidats sur ce qu’on attend d’eux, sur les pièges qu’ils doivent éviter et surtout sur les exigences de la communication écrite. L’expérience que nous avons des jurys de correction nous l’autorise.
Il est question de rappeler aux candidats qu’ils n’ont pas à être prisonniers des cours des professeurs, ni des notions abordées en classe. La philosophie, on a l’habitude de le dire, ne naît pas de la tête des philosophes, elle naît des problèmes. Et, j’ai l’habitude de dire à mes élèves, reprenant un collègue aujourd’hui décédé, feu Louis-Roi Boniface Attolodé, la nouvelle approche ou l’approche par les compétences, pour user du terme consacré, postule un principe d’activité selon lequel l’enfant est celui qui apprend (activement). Comme tel, il est «l’artisan de son propre savoir, non plus seulement un vase à remplir, mais quelqu’un qu’on doit juste aider, et que dans tous les cas : l’enseignement de la philosophie perdrait le plus précieux de sa valeur s’il était reçu avec indifférence et passivité comme une simple matière d’examen». Il est rappelé avec les nouvelles exigences pédagogiques que les connaissances ne sont en soi pertinentes que pour autant qu’elles permettent d’accéder à autre chose, notamment des compétences transférables en lieux autres : de pouvoir, par exemple, analyser, comprendre et interpréter.
Juste attirer l’attention sur le fait que les candidats peuvent être amenés à réfléchir le jour de l’examen sur l’actualité, sur des phénomènes de société, des problèmes, qui font débat et qu’on peut s’appuyer sur les cours, la culture générale pour y réfléchir. Parce qu’il n’est pas rare d’entendre un élève à la sortie d’un examen dire que le sujet de dissertation portant sur une question relative à la violence ou à la légitimité des lois n’a pas été traité en classe par son professeur.
La question de l’homosexualité, par exemple, on peut bien l’aborder en partant des notions de nature et culture, pour savoir quelle est la part du naturel ou du culturel dans ce phénomène ; en réfléchissant sur les frontières entre le féminin et le masculin ; c’est quoi la masculinité, la féminité aujourd’hui. Il s’y ajoute que dans notre société, l’homme simplement efféminé est déjà stigmatisé, même s’il n’entretient pas des relations contre-nature.
Mais, au-delà des condamnations et stigmatisations, il serait intéressant, sans vouloir légitimer ou justifier quoi que ce soit, de comprendre ce qu’est l’homosexualité. Est-elle une anomalie ? Une pathologie ? Un dérèglement des sens ? Est-elle un mal définitif et incurable ? Est-elle un choix ou une tare ? Un fait inné ou un mal acquis ?
Est-ce que l’homosexualité est un choix libre ou conditionné ? Faut-il être tolérant à l’endroit des homosexuels. Au nom de la liberté, est-ce que les homosexuels n’ont pas le droit de s’épanouir librement ?
Mais est-ce que notre société, qui a des valeurs, peut fermer les yeux ? Rien qu’en réfléchissant sur ces questions, on peut mobiliser les connaissances acquises aux cours, celles relatives à la conscience et l’inconscient, la liberté et le déterminisme.
Les rapports entre l’individu et la société.
La violence, même si elle n’est pas une notion du programme, peut faire l’objet d’une réflexion. L’actualité récente avec la guerre au Moyen-Orient justifie des questions sur sa légitimité, sur les violations répétées du Droit international par Israël, sur le droit de se défendre, sur la légalité des conflits armés et de la guerre préventive. Kant proposait, dans son projet de paix perpétuelle (1795), une transformation des relations profondes des relations internationales, enracinée dans la raison et l’éthique, et visant à instaurer une paix durable et universelle.
Par ailleurs, la démocratie pose aujourd’hui beaucoup de problèmes dans nos Etats modernes, où elle est malmenée et déconsolidée. Un de ces problèmes a été soulevé, depuis le 19ème siècle, par Alexis Tocqueville(1805-1859) dans son ouvrage intitulé De la démocratie en Amérique, au chapitre 5 et suivant où il nous parle du danger despotique des démocraties modernes, notamment la tendance des etats à vouloir tout contrôler, à investir des sphères de plus en plus larges et à remettre en cause les libertés individuelles et le contrôle citoyen.
Tocqueville pensait d’ailleurs qu’attendre beaucoup de l’Etat, c’est accroître de façon dangereuse le rôle de ce dernier. La croissance de l’Etat centralisateur s’accompagne d’une fragilité plus grande des individus lorsque l’Etat doit se contenter de garantir les libertés individuelles. D’autres questions relatives au despotisme de la majorité, la raison d’Etat (l’Etat, pense-t-on, n’a pas d’amis, il n’a que des intérêts ; à l’homme d’Etat, qui selon Meinecke, «perd la liberté d’agir de façon personnelle et arbitraire ; il est un soldat au service de l’Etat»). Il y a de fortes chances, d’ailleurs, de voir la démocratie se transformer en oligarchie (régime politique dans lequel la souveraineté appartient à une classe restreinte et privilégiée).
L’opposition entre morale et politique interpelle notre conscience et particulièrement celle de nos hommes politiques, même si Hegel considère que «l’Etat n’a pas de plus haut devoir que de se maintenir lui-même», et quel que soit ce qu’en pense Machiavel, la question est encore d’actualité : on ne cessera de s’échiner sur la contradiction entre, d’un côté, les impératifs moraux d’obéissance aux principes du droit naturel et, de l’autre, l’obligation de suivre les dures exigences de la realpolitik. La même contradiction, rappelle Michel Terestchenko, est soulevée par Max Weber entre l’éthique de la conviction et l’éthique de la responsabilité, ce drame intérieur de la conscience que connaît tout décideur.
La crise de l’Etat-Providence et de la société assurantielle : car on était habitués traditionnellement à bénéficier de la protection, de la sécurité sociale, de la solidarité organisée de l’Etat. Michel Foucault utilisait l’expression «Bio-pouvoir» pour montrer que, par le biais d’institutions comme les assurances sociales, l’Etat va pouvoir gérer la vie des populations. Cette idée d’Etat-providence, pensait Pierre Rosanvallon, s’inscrit dans le mouvement de l’Etat protecteur dont Hobbes a fait, au XVIIe siècle, la théorie.
C’est vrai qu’on parle de la démocratie comme étant le système qui garantit le mieux l’Etat de Droit, l’épanouissement individuel et collectif, un idéal de société qui repose sur deux piliers (la liberté et l’égalité), mais on peut se demander si des sociétés pauvres peuvent se permettre les principes démocratiques. Est-ce que la démocratie n’est pas un luxe pour nos pays, comme le pensait le Président français feu Jacques Chirac ?
Il est vrai que, pour paraphraser le professeur feu Sémou Pathé Guèye, il n’y a aucun peuple au monde qui n’aspire pas à vivre sous un régime politique pouvant garantir à toutes ses composantes les conditions de leur plein épanouissement, de leur liberté, de leur sécurité et de la sécurité de leurs biens. Mais la manière dont se vit ou s’applique ce régime politique dépend d’un certain nombre de considérations.
Je pense que loin de voir derrière cette appréciation du Président Chirac de la xénophobie ou de s’offusquer, l’idée que la démocratie n’est pas faite pour les Africains englobe plusieurs préoccupations. L’une d’elles est fondée sur le sentiment que l’organisation de la démocratie coûte cher et demande qu’on lui consacre beaucoup de temps, alors que le temps et les moyens dont disposent nos pouvoirs publics seraient plus utilement employés s’ils servaient à répondre aux besoins les plus pressants de la population en matière de santé, d’éducation, etc.
Juste pour dire que l’organisation d’élections, la formation du personnel administratif est nécessaire au fonctionnement des institutions démocratiques.
A cet argument financier, s’ajoutent les conséquences, tout le préjudice que nous coûtent des élections. Je pense aux divisions sociales et politiques inhérentes à la compétition électorale, des familles qui se déchirent… L’impact sur notre économie, ce que nous coûte de temps perdu et d’efforts dans les discussions, querelles durant et après les élections : on ne travaille pas avant et après les élections dans nos pays. Bref, l’unité nationale et le développement économique reçoivent de sacrés coups.
Sur les cinq piliers de la démocratie, on parle seulement de celui électoral, l’organisation d’élections régulières, alors que dans la plupart des cas, ce principe ne sert qu’à légitimer un pouvoir autoritaire. D’ailleurs, feu Oumar Bongo a dit de son vivant qu’en Afrique, «on n’organise pas des élections pour les perdre».
Je pense que le plus important des piliers de la démocratie, c’est le principe égalitaire (les chances pour tous) : chacun doit avoir les «capabilités» (Amartya Sen) de participer à la vie sociale et politique, ce qui suppose des garanties en termes d’égalité des droits, mais aussi d’égalité des chances.
Aujourd’hui, dans le débat politique contemporain, compte tenu des promesses intenables de la démocratie, on préfère de loin la République à la démocratie, car la République, du latin «res publica», la chose publique, c’est la liberté, plus la raison ; l’Etat de Droit, plus la Justice ; la tolérance, plus la volonté. La démocratie, précisait d’ailleurs Philippe Raynaud, c’est ce qui reste d’une République quand on éteint les lumières.
A quoi bon donc la démocratie quand on est dans des sociétés pauvres ? C’est la question que je pose aux élèves et qui ne sera pas certainement de celles des sujets de philosophie, mais j’espère juste qu’elle servira d’exercice.
Quel que soit le sujet, le candidat doit rester serein, prendre le temps de lire les 3 sujets avant de s’engager. Et, il est tenu de s’exprimer dans un français qui ne gêne pas la compréhension ; il ne doit pas oublier d’aller à l’examen avec plusieurs stylos et une montre, pas du tout connectée, pour contrôler le temps, puisque l’usage du portable est interdit. Des rappels, parmi tant d’autres, que mes collègues ont bien voulu donner d’ailleurs à leurs candidats.
Bira SALL
Professeur de Philosophie au Nouveau Lycée de Tivaouane
Chercheur en Education. sallbira@yahoo.fr
L’article Epreuve de philosophie au Bac : rappels aux candidats est apparu en premier sur Lequotidien - Journal d'information Générale.