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Le village de Gadiaga, abritant un champ gazier onshore exploité pour la production d’électricité depuis une vingtaine d’années, est sorti de l’anonymat, le 19 décembre 2020, du fait de l’incendie d’un puits de gaz de l’entreprise Fortesa. Des années après cet incident, l’entreprise est au bord du gouffre. Les travailleurs, privés de onze mois de salaires, ont entamé une grève illimitée. L’entreprise Fortesa, qui peine à respecter ses engagements envers les travailleurs, était aussi attendue sur ses obligations sociales. Selon les derniers rapports de l’Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives (ITIE), des paiements volontaires n’ont pas été faits toutes ces dernières années.
Une matinée de janvier 2025, alors que les populations observent un silence, par respect aux négociations avec l’entreprise Fortesa, nous nous sommes rendus à Gadiaga, près du village de Diender, dans la région de Thiès, sans grand espoir de trouver un interlocuteur. Personne ne veut s’ouvrir à la presse, au risque de faire échouer les négociations. Toutefois, un détour dans le village nous a permis de nous rendre compte que Gadiaga n’a pas une particularité inhérente à l’exploitation du gaz.
Tout au long de cette enquête, les contacts que nous avons noués dans la communauté locale, n’ont pas voulu se prononcer. Lamine Diagne, d’Action pour la Justice Environnementale (AJE) affirme : « À Gadiaga, nous avions senti que la population n’était pas assez informée sur les obligations de l’entreprise. Elle fuit plus l’entreprise qu’elle s’en approche ».
Les recommandations faites à l’entreprise Fortesa, après l’incendie d’un de ses puits de gaz, survenu le 19 décembre 2020, sont le renforcement de la sécurité de ses installations afin de prévenir toute propagation du feu pouvant impacter les habitants, en cas d’incendie. Pour le coordinateur régional, Afrique francophone de l’ONG «Publiez ce que vous Payez», Demba Seydi, «les mêmes conditions qui avaient favorisé l’incendie sont toujours de mise».
La raison, est que « les habitats et les champs deviennent de plus en plus proches de l’espace d’exploitation (gazière) ; ce qui constitue un danger réel parce que les délimitations et la distance de sécurité ne sont pas suffisamment respectées dans la zone. Si le problème se reproduisait aujourd’hui, on aurait eu les mêmes conséquences, c’est-à-dire que la réponse serait inadéquate. On ferait appel à des étrangers pour qu’ils assistent à la question », regrette-t-il. Sur le renforcement de la sécurité, il constate « l’installation de bouches d’incendies, des mesures qui ne couvrent pas forcément les communautés qui vivent tout autour du projet gazier ».
Après l’incendie, l’entreprise s’était engagée à prendre en compte les besoins des populations conformément à sa Responsabilité Sociétale d’Entreprise (RSE). Même si des discussions sont engagées avec les communautés, le constat qui se dégage est que beaucoup d’actes n’ont pas été posés. Les annexes des Rapports de l’ITIE de 2021, 2022, 2023 et du premier semestre de 2024, traitant des dépenses sociales, montrent que l’entreprise n’a pas fait de paiements volontaires pendant ces années.
Selon Demba Seydi, qui se base sur «des visites régulières» à Gadiaga, jusque-là, la RSE de l’entreprise tarde à se matérialiser, à l’exception des appuis qu’ils font souvent à la Collectivité territoriale.
LES TRAVAILLEURS EN GRÈVE ILLIMITÉE
Les travailleurs de Fortesa accusent un retard de onze mois de salaires, une situation qui résulte de plusieurs mois de difficultés financières, selon le coordonnateur du collège des délégués de l’entreprise, Samba Mbengue. «On nous a envoyé au chômage technique, sans que nos heures de travail ne baissent. Les employés ont continué avec le même rythme de travail pendant que les salaires ont connu une baisse. On ne percevait pas la quasi-totalité de nos dus. On recevait entre 25, 50 et 75% de nos salaires», déplore-t-il.
Selon toujours le délégué syndical, les conditions de travail à Fortesa sont déplorables. «On a tous types de contrats. En dehors des permanents et des Contrats à Durée Déterminée (CDD), il y a des prestataires. Ce sont des gens qui sont recrutés par l’entreprise et qui ont fait dans la boîte 15 ans voire plus et sans embauche. Ils n’ont pas droit à des congés, ni à une couverture maladie».
Pis, déplore Samba Mbengue, de façon générale, la couverture maladie n’existe pas à Fortesa. « Ce qu’on avait, c’est qu’en cas de maladie, le travailleur préfinance ses soins et se fait rembourser. C’est ce qui se faisait. Mais, depuis deux ans, cette mesure n’existe plus. L’entreprise ne prend pas en charge les frais médicaux».
Conséquence, le quotidien se résume à un drame social. «Toutes les fêtes religieuses sont passées sans qu’on ait de l’argent. Nos enfants sont exclus de leurs écoles. On n’arrive plus à assurer nos charges familiales», s’émeut-il. Le représentant des travailleurs d’ajouter : «au-delà du salaire, nous déplorons le non versement des cotisations sociales et l’IPRES (Institution de Prévoyance Retraite du Sénégal, ndlr), depuis 2017. Des employés sont à la retraite et ne peuvent pas bénéficier de leurs pensions. Depuis 2021, nous vivons dans des conditions déplorables».
Sur le plan de la sécurité, il estime que les recommandations faites à l’entreprise n’ont pas été respectées. «Les extincteurs ne font pas l’objet d’une maintenance. Les cours de premiers secours ne sont donnés que récemment et ce, sur instance du ministère de l’Environnement et de la Transition écologique». Revenant toujours sur les conditions de travail déplorables, le délégué syndical liste aussi l’«absence de toilettes et des accidents de travail non pris en compte par l’entreprise».
Pour Serigne Mansour Ndione, opérateur machine à Fortesa, «Même quand l’entreprise fonctionnait correctement, les cotisations sociales n’étaient pas versées». A l’en croire, «le patronat a pris un prêt bancaire et les recettes servent à payer cette dette-là, en laissant en rade les travailleurs». Face à autant de manquements, les travailleurs ont décrété une grève illimitée depuis, le 19 août 2025.
Fatou NDIAYE
L’article Champ gazier de Gadiaga : entre drame social, risques sécuritaires et avenir incertain : Fortesa dans la tourmente est apparu en premier sur Sud Quotidien.